Suite à la parution de notre tribune libre tout récemment éditée
dans le numéro 22 du bulletin d’informations municipales Com’ Lesparre-Médoc de
mai 2015, nous postons donc comme annoncé, une version plus libre et plus
étendue du texte qui a suscité dans le même numéro, ce qui n’a du échapper à
personne, quelques réactions de forme de la part de Monsieur le Maire.
Tout cela resterait pour le moins très interactif et innovant, pour
peu que celui-ci ne se réserve à l’évidence, l’avantage suprématique de ne parler
qu’après avoir eu connaissance des discours des autres avant l’envoi à
l’imprimeur.
Nous faisions donc le constat qu’un an après les élections
municipales qui ont conduit à la réélection d’un enfant du pays, d'autres
enfants du pays se sont fait élire à leur tour, aux dernières élections
départementales.
Comment soutenir encore le vieil adage qui consiste à croire que nul
n’est prophète en son pays?
Souhaitons que ce dernier résultat de scrutin permette aux
apparatchiks locaux, à l’identité si légitimement auto proclamée, une remise en
question de leur aveuglement politique.
Si par identité on entend et selon la définition, «critères
permanents et fondamentaux attribués à quelqu’un, à un groupe ou à quelque
chose, qui font son individualité, sa singularité, son caractère unique»,
ce n’est pour notre ville, pas tant de l’identité des êtres qui la régissent dont
il doit s’agir, mais bien de l’identité de la ville elle même.
Il n’échappe plus désormais à personne que nous sommes tous peu à
peu menacés par l’uniformisation au service d’une mondialisation en marche,
guidée principalement par la loi des parts de marché et de l’hyper consommation
de masse.
Le seul rempart résistant par nature à cette mécanique proliférante
est tout ce qui constitue par essence l’exception culturelle d’un groupe
d’individus, si petit soit-il, pour peu que cette identité révélée ne soit pas
confondue avec des us et coutumes rétrogrades, signes de replis sur soi et marginalisation
masqués parfois en mentalités, mais bien des singularités authentiquement structurées
par une intelligence reconnue en marche, transmissible et constituante du
patrimoine commun de l’humanité.
A ce titre, si nous parlons aujourd’hui d’identité européenne, fruit
des rencontres des civilisations de l’Inde et de Babylone, c’est bien de la
diversité des identités qui la constitue dont il s’agit, tout comme une
identité nationale profite aussi de la somme des identités régionales, les
régions elles mêmes étant le contenant des identités des pays-terroirs, eux
mêmes encore réceptacles d’identités plus ou moins marquées des villes et
villages qui en font parti.
A quelque échelle que
ce soit, c’est d’un territoire pacifié auquel nous nous référons avec comme
compréhension, ses limites physiques pour y explorer ensemble des valeurs en
partage.
Contrairement à l’univers qui est un infini sans bord et pour lequel
il est par conséquent impossible d’en définir le milieu, les territoires ont
donc des limites grâce auxquelles on peut en déterminer le centre référent et
construire autour une identité matérielle et immatérielle.
Concernant le territoire médocain qui a l’avantage d’être
naturellement défini par l’eau de la rivière et celle de l’océan, la complexité
de n’être pas totalement un territoire insulaire, mais bien la forme hybride
rattachée à la «presqu’île» ou au «pas tout à fait
continent» c’est selon, contient les éléments essentiels à fouiller pour
son épanouissement et sa valorisation.
Ce territoire étant parfaitement identifiable, en définir son centre
se manifeste tout aussi naturellement et Lesparre-Médoc s’impose comme la
position géo centrée la plus légitime, notamment par son équidistance des deux
rives et son rayonnement en proximité des vignes, des marais, de la lande et de
la côte.
Probablement que cette géographie a conditionné son histoire et son
passé de grande Seigneurie médiévale.
Ce pays Médoc, médium aqua,
a donc une identité naturelle qui a besoin d’être portée et représentée dignement
en son centre, là où géographie et histoire témoignent généreusement du génie
du lieu lui même.
Sur ces principes, deux époques émergent du patrimoine bâti:
- la tour de
l’Honneur, vestige du prestige de la Seigneurie au XIV°.
- la parure monumentale des bâtiments du XIX°, structuration
urbanistique symbolique des valeurs républicaines et de la civilisation
chrétienne.
Sauf cas exceptionnel, une identité de ville ne pouvant être exclusivement
réduite à l’intérêt pour son patrimoine, ces deux lignes patrimoniales
présentent toutefois une dichotomie politique pré et post révolutionnaire que
nous aurons l’occasion de développer par ailleurs comme une des constituantes
de la culture locale.
Mais, pour l’heure, Lesparre-Médoc doit réintéger les valeurs
d’échelles qui la légitimisent:
- urbaines pour une ville de plus de 5000 habitants
- administratives pour une sous-préfecture et chef lieu de canton
- identitaires et culturelles pour une capitale symbolique du Pays
Médoc
L’exercice consiste bien à poser 3 fois la question lorsqu’une
décision doit être prise, l’intérêt étant de satisfaire autant que possible les
3 dimensions constitutives d’une identité forte.
Le pays Médoc ne sortira de son enclavement que par la force
fédératrice d’un centre identitaire, tout comme son centre ne sera viable que
par l’épanouissement du Médoc et la mise en valeur de ses diversités, identités
du Pays et de sa Capitale étant intrinsèquement liées.
Force est de constater qu’en la matière, certains signes de la déconstruction
de l’identité de Lesparre-Médoc entreprise depuis fort longtemps, apparaissent désormais
aux yeux de tous.
Bien qu’une identité de ville ne puisse se réduire à son
indispensable cœur de ville, la rue principale continue cependant de se vider peu
à peu de son indispensable offre commerçante, face à quoi rien ni personne ne
semble réagir.
Bien que les animations en période estivale s’imposent,
Lesparre-Médoc peut-elle contenir son identité à l’image d’une foire? Un
événement, une animation, quelle qu’en soit l’image qui s’en dégage, ne peut se
substituer à l’identité pérenne de la ville.
Mr le Maire estime qu’un avenir est à construire ensemble, mais sur
quel terrain d’identité de ville compte t-il nous réunir et de quelle façon?
La communication et l’information restent en la matière, les incontournables
du processus.
Prenons comme exemple, les travaux de réfections à venir de la rue
E. Marcou: L’ensemble des riverains en ont-ils été seulement informés?
Bien que le patrimoine ne puisse à lui seul incarner l’identité
d’une ville, si un projet tel que celui d’une hypothétique reconversion des
anciens abattoirs devait aboutir, à quelle identité de ville ferait-il
référence ? Pour l’heure, les tergiversations sur le sujet perdurent.
Il y a un an, un enfant du pays nous parlait d’une ville à la
campagne. La campagne a une identité naturellement acquise et bien présente à
l’entour, là où la ville a une identité à construire et à entretenir pour une
image singulière et désirable à divulguer auprès de ceux dont la ville a
besoin, ceux qui pourraient souhaiter s’y installer pour y vivre, y travailler,
y consommer, s’y distraire et surtout entreprendre.
Lesparre-Médoc souffre d’un réel déficit d’identité, creusé depuis
trop longtemps, notamment par une politique de déconstruction des valeurs républicaines.
Le recentrage autour d’une seule idée générale, visionnaire, solide
et moteur dans tous les domaines avec l’emploi en priorité, doit s’imposer
comme liant identitaire de cette ville.
Quelles que soient pour certains les améliorations visibles
résultantes des mesurettes en pis aller d’une politique de rustines, elles
n’ont dans le temps pas plus d’effet que toutes celles qui ont été menées
depuis plusieurs décennies et ce n’est pas en améliorant la bougie qu’on invente
l’électricité.
Plus que de promesses, c’est d’une réelle projection de synthèse
locale, servant les intérêts du territoire médocain dans son ensemble dont Lesparre-Médoc
a besoin, applicable à court, moyen et long terme, pour être lisible et
intelligible depuis les fenêtres du monde en marche.
Les résonnances de l’après Charlie obligent d’autant plus une vision
locale instruite d’une prise de conscience des territoires perdus de la
république, notamment ceux de l’enseignement et de l’éducation qui ont été les
marqueurs là encore, d’une hybridation plus que d’une rupture, entre laïcité et
religion dominante.
Là où une religion quelle qu’elle soit, nous dicte la frontière
entre bien et mal, l’enseignement laïque se doit de nous équiper intellectuellement
pour distinguer l’interstice entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, pour
soi certes, mais surtout dans notre rapport construit envers et avec les
autres.
S’il faut rendre à César, ne faudrait-il pas reconnaître
culturellement, en tant que républicains et démocrates, que les origines de nos
valeurs communes, utiles au vivre ensemble en Médoc comme ailleurs, sont issues
des fondamentaux de notre civilisation chrétienne, que l’on soit croyant,
agnostique ou athée ?
Toujours en résonnances de l’après Charlie, plus que de considérer
ce qu’Emmanuel Todd qualifie de Catholiques zombis, il est préfèrable tant qu’à
faire, d’élargir l’image à une forme civilisationnellement alzheimerisée de Chrétiens
zombis à ranimer culturellement.
En ce sens, il ne s’agit plus de diviser et de sombrer dans
l’essentialisation entre «Je suis Charlie» et «Je ne suis pas
Charlie» mais de rassembler autour des valeurs émergeantes ici ou
ailleurs, de la question de l’identité :
«Mais qui est donc Charlie ?».
jpa pour ALV