samedi 14 mai 2016

Lesparre / Spärra



Spärra, 

verbe d'origine suédoise 

ayant muté au fil de l'histoire en 

Lesparre



Au centre d'une région de fin des terres, peuplée sporadiquement depuis la nuit des temps, Lesparre était jusqu'au début de notre ère un territoire de marécages qui fut désenclavé par la construction de la Lébade ou Lévade, voie romaine menant de Bordeaux à Cordouan, dont la D1215 empreinte principalement le tracé, inchangé jusqu'à ce qu'au XVIII°, Monsieur de Tourny face procéder à des aménagements adaptés à son temps. 


La première vague de migration au VII°siècle avant notre ère, amena les celtes à franchir les Pyrénées et pénétrer dans la péninsule ibérique, se fondant avec les ibères autochtones et formant le peuple celtibère. 


De -600 à -300, les celtibères et les celtes se mêlent aux Ligures dans le sud-est et aux Aquitains dans le sud-ouest. Les Bituriges arrivent de Bourges et s'installent au confluent de trois fleuves, la Deveze, le Cauderan et le Peugue en tant que Bituriges Vivisques. Ils y fondent Burdigala qui deviendra Bordeaux, pendant que dans le Médoc s'installe le peuple des Medulli et y crée Metillium, port de pêche et d'échanges donnant sur l'estuaire.

   

Le mot MEDOC entre plusieurs origines latines:


soit en rapport à l'eau "in medio acquea" 
pour "au milieu des eaux",

soit en rapport à la terre "Meduli litus" 
pour "entre deux bords",

avec l'hésitation orthographique 
entre Meduli et Medulli. 

Meduli serait un dérivé de Medulli, lui même référent des Médulles, peuple gaulois dont une tribu de montagnards des alpes serait venue s'installer en Aquitaine et plus particulièrement en Médoc au 1° âge du fer, venant il y a 3000 ans se mêler aux peuples proto-basques, ensemble des peuples protohistoriques et de l'antiquité, sédentarisés entre les Pyrénées, la rive gauche de la Garonne et l'océan Atlantique.

Le proto-basque est la reconstitution du prédécesseur direct de la langue basque et constitue le substrat du Gascon parlé entre le V° et le 1° siècle avant notre ère, à la croisée de la langue vernaculaire du secteur circumpyrénéen, influencée par le latin et les textes écrits. 

Spärra: barricader, obstruer

Spärr: barrière en longeron 


Au V° siècle, le Médoc n'échappe pas aux invasions des Francs, puis des Arabes mauresques après leur replis de la bataille de Poitiers en 732. Ces Sarrasins sont les initiateurs de l'érection de la tour de Cordouan, en lien avec Cordoue, propice au commerce du cuir, engendrant peu après les anciennes tanneries et pelleteries de Lesparre. 


Dès 799, la péninsule médocaine subit une succession d'invasions normandes par le peuple Viking, opérant sur la côte Atlantique, en prenant l'ile de Noirmoutier comme base militaire. En 844, une flotte Viking remonte l'estuaire puis la Garonne jusqu'à prendre Agen et atteindre Toulouse. En 848, la capitale d'Aquitaine Bordeaux est prise.


C'est sur les soubassements d'un temple gallo-romain dédié à Saturne qu'est édifié une première forteresse en bois dénommée Spärra, "Spärra en hamm" signifiant en suédois barricader ou bloquer un port, tout en sachant qu'à cette époque, la ville était un port de pêche et de commerce du sel, desservi par une anse de la Gironde. 




Cette forteresse se modernise au cours des siècles jusqu'à son apogée donnant un vaste ensemble fortifié et garni de quatre tours de presque trente mètres de haut, dont ne subsiste aujourd'hui uniquement que la tour de l'Honneur. La place forte est déjà mentionné dans la charte de 1100 en tant que "castelo quod dicitur Spärra", la construction du "Casteth de l'Esparra" datant de 1320.


Le Spärra en dénomination d'origine Viking, mute en language vernaculaire, le e se prononçant systématiquement é en gascon, la contraction en un seul mot prononcé lésparra, mute au fil des siècles en Lesparre.   



LESPARRA,

sous domination anglaise



Au XI° siècle


un bourg féodal se structure autour de la forteresse 

et le fief changea de mains, 

suites aux luttes de territoires entre 

Pierre de Bordeaux et le Seigneur de Blanquefort.




Au XIII° siècle



les seigneurs de Lesparra 

rendirent hommage à la couronne d'Angleterre, 

ce qui compliqua la stabilité des lieux.




Au XV° siècle


à l'issue de la guerre de cent ans, 

les anglais étant boutés hors de France, 

le seigneur de Lesparra fut banni 

et décapité en place publique à Poitiers. 



LESPARRA,

Chef-lieu de district


Dépourvue de Seigneur, 

la ville tomba aux mains de Routiers, 

compagnies de mercenaires privés d'employeurs, 

en période de paix, se regroupant en bandes appelées

grandes compagnies et maitrisant une route. 



Ceux-ci délogés, Charles VII fit démolir l'enceinte de la ville 


pour que la situation ne puisse plus se reproduire.




du XVI° au XIX° siècle


l'épidémie de peste emporta les deux tiers des autochtones, 

faisant tomber le village dans l'oubli,

la forêt de Lesparre se démembre, 

attaquée sur la côte par les vagues et les sables

et ailleurs par les excès de l'activité humaine,

abus de dépaissance, exploitation dérégulée, incendies,...

déséquilibre qui ne serait donc pas nouveau.



Le désintérêt installé envers Lesparre, 

l'épargna des ravages des guerres de religions 

et de la fronde de la révolution française, 

tout en ayant entretenu depuis Henri IV, 

l'évolution du projet d'assèchement des marais 

qui se stabilisera sous Napoléon III.


La commune fut érigée en Chef-lieu de district 

et rapidement en une des Sous-Préfectures du département,

équipée de sa parure monumentale, 

témoignant encore de la volonté républicaine d'alors,

 appliquée au maillage territorial administratif. 



Palais de Justice, Hôtel des Postes, Sous-Préfecture,

Kiosque à musique, église et plus tard, 

hippodrome, abattoirs, magasins en centre villes 

et quelques hôtels particuliers remarquables, 

donnent à cette ville un héritage patrimonial 

à caractère XIX° voire haussmannien de première heure, 

venant se conjuguer au médiéval enfoui.
          


LESPARRE-MEDOC,

Sous-Préfecture de Gironde




Au cours du XIX° siècle


la ville s'agrandie en annexant 

les villages de Saint-Trélody et d'Uch. 


L'arrivée du chemin de fer donne un ressort d'activité 

et la destination de Soulac sur mer, 

en font une étape touristique 

profitant de la vogue des destinations balnéaires.



Dans l'entre deux guerres,

la ville prend son nom en majuscule de territoire 

et devient LESPARRE-MEDOC.




Bombardée à la fin de la seconde guerre mondiale, 

la commune se reconstruit, 

en multipliant les programmes de lotissements 

et en développant ses infrastructures urbaines,

afin de répondre à une démographie croissante, 

lui conférant son rang de Capitale du MEDOC 

en équidistance de rives estuariennes et côtes océanes. 



Sa position géocentrée 

renforce naturellement sa capacité 


de représentation des diversités du territoire médocain,

vignoble, marais, rivière, forêt, lacs et océan. 




Située à 60 kilomètres au nord de la métropole de Bordeaux

et de l'intercommunalité de la CUB, 


l'avenir de  LESPARRE et du MEDOC dépend aujourd'hui,


des choix qui seront faits pour cette ville,


en tenant compte des singularités du territoire 


et en les assemblant opportunément aux transitions


environnementales, numériques, sociétales et culturelles 


du XXI° siècle




… un jour, depuis l'honneur d'une tour carrée, 

nous partirons en forêt, 

pour guérir de la violence du monde. 


Nous demanderons aux Hantomes, 

les maîtres du Land Art, 

d’ouvrir les portes de l’imaginaire, 

pour que les rêves aveugles de nos âmes blessées, 

les traversent en riant… 


Celtibères d’il y a 3000 ans, 

Medulli du port de Métillium,

Sarrasins des maures, 

Vikings de Spärra, 

Anglais de la Sirie du Médoc, 

Occitans et Gascons

rivaliseront alors pour nous dire, 

de leur passage en fin de terres, 

l’essentiel qui nous rendra la vue. 


jpa pour ALV