samedi 16 décembre 2017

Le printemps en Hiver





Le printemps en hiver, 
c’est agréable, 
mais catastrophique pour la nature. 


Depuis plusieurs années, 
le printemps devient de plus en plus précoce, 
avec des températures bien au-delà 
des normes de saisons.

Si c'est agréable pour les vacanciers, 
des scientifiques arguent que 
c'est un désastre pour la nature.

La plupart de nos techniques agricoles ont été élaborées dans la 2e moitié du XXe siècle, lorsque le climat était relativement stable. Il y avait bien entendu des années exceptionnelles, mais elles étaient par nature rares. Là, avec les effets du changement climatique, on cumule années après années les records, à chaque saison. 

Ce printemps sera, paraît-il « le plus chaud depuis 1899 ». On sait que les scientifiques restent réticents à attribuer au seul dérèglement climatique la survenue d'un événement météo extrême quel qu'il soit, mais, quand même, quelle succession depuis 10 ans !

Au mois de février, la Nature se remet rapidement en mouvement, la faune et la flore sortent de leur mode d'hibernation et rentrent en phase active, et les fleurs poussent partout. Mais si nous ne sommes qu’en février, bien entendu, on risque d’avoir des gelées, peut-être sévères, en mars et avril, qui vont tuer le processus. Résultat : on aura bien eu des fleurs, mais peut-être pas de fruits !

Autre possibilité : il n’y a pas de gel du tout, et finalement le pouvoir assainissant de ce gel disparaît, celui qui en quelque sorte « remet les compteurs à zéro » chaque année. Et, dans ce cas-là, on aura une prolifération très préoccupante de parasites et autres prédateurs. Si ça se trouve, pour sauver les récoltes, on devra alors abuser des herbicides, insecticides et fongicides ; l’agriculture « chimique » si décriée va redémarrer de plus belle partout où elle le pourra, et la bio aura, elle, de mauvais rendements !

Les équilibres naturels sont très sensibles ; quid de la floraison avancée de 2 ou 3 semaines et de leurs pollinisateurs s'ils ne sont pas encore nés ou en activité ? Si la précocité de la floraison modifie les signaux qu’envoient les fleurs pour attirer leurs insectes attitrés (couleurs, odeurs, etc.), là aussi, on aura plein de fleurs mais peu de fruits !

Et les agriculteurs vont avoir également des problèmes de main d’œuvre, les ouvriers saisonniers n'étant pas encore arrivés pour effectuer les travaux de taille des arbres fruitiers par exemple.

D’une manière générale, il faut bien se rendre compte qu’en matière agricole, le mauvais temps, c’est quand le même temps dure longtemps. La pluie n’est pas mauvaise en soi, le soleil non plus, mais en période intermédiaire comme celle de la fin de l’hiver, un mois de pluie non-stop ou un mois de soleil non-stop, c’est dans les deux cas une catastrophe !

Et le temps de mai en février, ça veut également dire que les pollens vont commencer à pulluler bien plus tôt que d’habitude. Les 20 % de français qui sont allergiques aux pollens risquent de payer cher ces températures au-dessus des moyennes de saison.

Lorsqu'on voit arriver des grues cendrées et autres oiseaux migrateurs, à une date complètement inhabituelle, rien de prouve que cela se passe sans dommage et que certains déséquilibres majeurs n’apparaissent dans la chaine alimentaire ! Au bout de quelques années d’hivers chauds d’ailleurs, certaines espèces deviennent partisanes du moindre effort et cessent purement et simplement de migrer et deviennent sédentaires. On a même observé des migrations en sens inverse !

Côté abeilles, les ruches se réveillent et les reines commencent à pondre. Les apiculteurs leur donnent du sucre pour aider à passer l’étape, car s’il y a trop de larves à prendre en charge et pas assez d’abeilles pour le faire, elles peuvent s’épuiser et mourir. Si la reine a commencé à pondre trop tôt, elle peut également s’épuiser à la tâche et sa longévité peut être raccourcie.

Le changement climatique favorise les espèces invasives qui sont souvent plus aptes à modifier en tant que de besoin leur date de germination, de floraison et de fructification. Les espèces moins flexibles, et singulièrement les variétés sélectionnées pour leur grande productivité, sont en général plus rigides, plus fragiles et moins flexibles ; elles peuvent décliner, parfois jusqu'à l'extinction.

Certaines espèces exotiques pourraient ainsi bénéficier des nouvelles conditions climatiques et de la disparition des espèces natives, pour devenir envahissantes alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant. Par exemple, on a vu depuis 2014, que la production européenne d’huile d'olive (qui représente 73 % du total mondial) est extrêmement menacée par des attaques bactériennes et d’insectes parasites favorisées par une succession d'été chauds et humides. 


De même, des arbres qu’on croyait durablement installés et emblématiques dans leurs régions, comme les palmiers de la Côte-d’Azur ou les platanes de Midi-Pyrénées commencent à subir les attaques dévastatrices du charançon rouge tropical ou du chancre coloré. Le buis lui-même, qui ornait les jardins « à la française » depuis des siècles, est carrément menacé par la pyrale, tandis que la chenille processionnaire du pin qui cause de sévères dégâts aux résineux et des problèmes allergiques pour l’homme ne cesse de remonter vers le nord.

La carpocapse de la pomme passe de deux à trois générations par an dans le sud-est, la troisième génération étant rendue possible par l’augmentation de 25 % du nombre de jours où la température dépasse les 10°. L’encre du chêne profite largement de la diminution du froid hivernal. La maladie de Lyme, dont on découvre qu’elle provoque des dégâts considérables dans la population, ne cesse de s’étendre avec la prolifération de la tique.

Côté élevage, des maladies tropicales commencent à se développer dans nos contrées autrefois tempérées, par exemple la fièvre catarrhale ovine, la peste équine, la fièvre de la vallée du Rift, la fièvre du Nil occidental, la leishmaniose, la leptospirose, etc.

Et ne parlons pas des risques de voir les invasions de criquets se répandre au nord de la Méditerranée, avec les désastres écologiques que provoquent ces nuages de dizaines de millions d’insectes qui peuvent parcourir 200 Km en une journée, dévastant la flore naturelle et les champs cultivés. L’histoire nous relate nombre d’invasions de ce type en Europe, et il n’y a pas de raisons que nous en soyons durablement épargnés.

B. Parmentier 

samedi 11 novembre 2017

Edouard, épicier de la république




59 minutes de l'histoire française 
de la Grande Distribution 
et de ses conséquences.


Cliquez sur le lien: 



jpa pour ALV  

samedi 7 octobre 2017

Mythe de la surpopulation


Ce shéma nous permet de replacer notre comtemporanéité, bien plus près de l'homme préhistorique que de celui qui nous succèdera bientôt, celui que nous ne pouvons imaginer même en rêve, notre seule responsabilité consistant à ne pas céder à la pulsion destructrice envers ce qui nous a été donné et que nous nous devons de transmettre à ceux que nous ne connaitrons pas, afin que le génie humain puisse poursuivre son destin.


DECROISSANCE DEMOGRAPHIQUE 

Pourquoi le choc démographique qui nous menace pourrait bien être totalement différent de ce à quoi vous vous attendez

John Ibbitson et Darrell Bricker remettent en question l’hypothèse d’une croissance exponentielle de la population.

Empty Planet (Planète Vide) explique que l’enjeu dans un avenir pas si lointain ne sera pas la surpopulation de la planète, prévue notamment par l’ONU, mais sa sous-population. Phantasmes ou réalités ? 

Permettez-moi de dire que je n’ai pas attendu le livre de John Ibbitson et Darrell Bricker pour expliquer que l’hypothèse d’une croissance exponentielle est un mythe. Ainsi, la fécondité moyenne dans le monde a baissé de moitié de 1950 à aujourd’hui, précisément de 5 enfants par femme à 2,4 en 2018. Le taux de croissance de la population a diminué dans des proportions semblables depuis son maximum atteint à la fin des années 1960. En réalité, la population dans le monde connaît une décélération conforme à la logique du processus dit de la transition démographique

Toutefois, il est vrai que le nombre d’habitants sur terre continue d’augmenter, surtout là où la transition démographique n’est pas terminée et pour une autre raison, l’augmentation de l’espérance de vie. Cette dernière, encore à moins de 46 ans en 1950 en moyenne mondiale, a atteint 72 ans en 2018 et permet à chaque humain de rester en moyenne plus longtemps locataire sur notre planète.

La troisième raison de l’augmentation de la population mondiale tient aux effets d’inertie des logiques démographiques. Scientifiquement, cela signifie qu’il faut prendre en compte l’évolution démographique cachée dans la composition par sexe et par âge, ce qu’on appelle la pyramide des âges. 

Concrètement, il peut arriver qu’un pays, comme la Chine actuellement, enregistre une croissance démographique naturelle, donc un excédent des naissances sur les décès, en dépit d’une fécondité très abaissée en raison de sa pyramide des âges héritée lui donnant (encore) une proportion relativement élevée de femmes en âge de féconder. 

Mais aucun effet d’inertie n’est éternel et il arrive donc une période où il ne s’exerce plus. Alors les décès deviennent plus élevés que les naissances. Ceci s’est constaté dans la trajectoire démographique des dernières décennies au Japon ou en Allemagne. En Chine, cela va probablement se constater dans les années 2030 lorsque sa population diminuera puisque sa croissance actuelle n’est due qu’à l’inertie démographique.

Quant au terme de « surpopulation », il n’a aucune valeur scientifique. En effet, une surpopulation supposerait une population qui n’arrive pas à satisfaire ses besoins élémentaires en termes d’alimentation ou sanitaires. Or, si cela arrivait, la mortalité augmenterait, engendrant une contraction démographique. 

Quoi qu’il en soit, raisonner sur le chiffre global du nombre d’habitants sur terre n’a aucun sens. Ce qui compte, c’est la réalité démographique des différents territoires de la planète et elle est fondamentalement diversifiée. 

Par exemple, la Roumanie et le Tchad semblent peser de façon identique dans la population du monde, comptant chacun une quinzaine de millions d’habitants en 2018. Mais la superficie de l’un est de 238 000 km2 et celle de l’autre de 1 284 000 km2, y compris il est vrai, des parties désertiques. 

Le Tchad connaît une croissance démographique triple de la moyenne mondiale alors que la Roumanie est en dépeuplement sous le double effet d’un excédent des décès sur les naissances et d’un solde migratoire négatif. Autrement dit, le monde se caractérise principalement par une forte fragmentation démographique. 

Pour évaluer l'effet de la baisse de la fécondité dans les années à venir, il est probable que la fécondité moyenne dans le monde continue à baisser mais de façon fort inégale, en raison de la poursuite de sa diminution dans différents pays comme l’Inde. Il n’est pas impossible qu’elle remonte dans d’autres pays en fonction de leurs conditions propres ou par suite d’un niveau devenu très bas. 

Toutefois, le nombre des naissances ne dépend pas que la fécondité ; il s’explique aussi par le nombre de femmes en âge de procréer et par l’espérance de vie à la naissance. Par exemple, même si la fécondité doublait en Allemagne, le nombre de naissance ne croîtrait pas dans des proportions semblables car le nombre de femmes en âge de procréer est en diminution, sauf arrivées migratoires massives. Autre exemple, la population des États-Unis serait aujourd’hui légèrement plus nombreuse si ce pays n’avait pas enregistré ces dernières années une baisse de l’espérance de vie sous l’effet de la consommation de drogues ainsi que la surmortalité due à des taux élevés d’obésité. La population de l’Arabie saoudite pourrait augmenter beaucoup plus si l’espérance de vie des femmes s’y accroissait notablement, ce qui supposerait de faire baisser leur taux d’obésité qui touche aujourd’hui 44 % d’entre elles. 

En fait, l’avenir n’est pas écrit et certains facteurs peuvent stimuler l’accroissement futur de la population : une alimentation suffisante et équilibrée, des réseaux sanitaires et un meilleur respect des règles d’hygiène, des technologies favorables au développement durable et à un environnement moins pollué, des relations géopolitiques écartant toute guerre meurtrière. A l’inverse, la population peut stagner, voire baisser, sous l’effet de facteurs opposés : sous-alimentation ou mal-alimentation mortifères, insuffisance sanitaire et hygiénique limitant les taux de survie, épidémies inattendues, sur-pollution mortifère, conflits géopolitiques meurtriers. 

Les populations les plus concernées par une baisse de la population sont celles qui connaissant déjà un excédent des décès sur les naissances : les pays baltes et la Finlande en Europe septentrionale, l’Allemagne en Europe occidentale, la Biélorussie, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et l’Ukraine en Europe orientale, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Portugal et la Serbie en Europe méridionale, le Japon en Asie orientale, Porto Rico dans les Caraïbes.

Les pays dont la croissance actuelle n’est due qu’à l’inertie démographique, faute d’une fécondité suffisante, pourraient finir par enregistrer davantage de décès que de naissances : Autriche, Slovaquie, Chine, Corée du Sud, Taïwan, Thaïlande, Arménie, Cuba… La France pourrait à terme rejoindre cette liste de pays si sa fécondité continue son orientation à la baisse entamée depuis 2015, sous l’effet du rabotage de sa politique familiale.

Pour considérer le futur démographique, il faut bien entendu ajouter à l’examen de la natalité et de la mortalité les flux migratoires, ce qui explique par exemple que la Guadeloupe et la Martinique connaissent désormais aussi une diminution de leur population, alors que l’inertie démographique leur permet encore de bénéficier d’un excédent des naissances sur les décès.

J-F Dumont



lundi 25 septembre 2017

EDITO de Septembre 2017

Le conseil municipal s’est réuni le 12 septembre dernier en AG extraordinaire pour réagir à la suite des conséquences de l’ouragan Irma ayant affecté quelques jours auparavant nos concitoyens des Antilles.
Les catastrophes naturelles et les évènements hors normes viennent généralement nous interroger sur ce qui constitue l’essence même de la condition humaine: la solidarité.
Sur ce plan, on peut espérer que l’évolution de nos sociétés puisse tendre peu à peu vers un consensus.
Faut-il pour autant céder à la doxa en considérant le temps de réflexion comme non éthique et confondre urgence et précipitation façon Charity Business?
Les plus de 100 Millards de dégâts dans leur ensemble causés sur le parcours d'Irma ne représentent-ils pas eux aussi une forme de tsunami en valeur d’échelle, lorsqu’on sollicite les collectivités locales avant même que ne soit établi le moindre plan de structuration des secours par l’Etat lui même, qui doit la protection des biens et personnes tout autant aux territoires d’outre mer qu’à la métropole?
Quelles ont été les mesures prises par anticipation lorsque la naissance de l’ouragan a été établie par les météorologues et les climatologues?
30% de l’augmentation globale du niveau de la mer sur 100 ans sont attribués à la vente des produits de 90 multinationales. Est-il normal de continuer à exempter ces compagnies de toute responsabilité dans leurs activités, pour des profits exonérés des conséquences et assumées par nos sociétés? De combien de temps disposons-nous avant d’être contraints à faire supporter la facture à ceux qui se trouveront malencontreusement sur les trajectoires des ouragans ou victimes de tout autre dérèglement climatique du à la persistance et à la progression des activités dérégulées?
Les pays émergeants ont désormais eux aussi les moyens de s’y adonner sans scrupule, forts de considérer dans l’exemple des pays occidentaux, l’histoire de l’industrialisation voire de la colonisation comme faisant jurisprudence pour s’autoriser à leur tour une hyper industrialisation décomplexée.
A ce stade de réflexion, c’est l’Etat Régalien Français qui se retrouve sous jacent menacé, et ce n’est pas en allégeant les consciences par l’obole vertueuse d’un village qu’on éradiquera les pratiques dévastatrices de quelques uns.
Charité bien ordonnée commence par soi même, et souhaitons ensemble que si notre ville a soudainement le sentiment d’être partie constituante du monde globalisé, puisse t-elle alors avoir l’ambition politique d’accueillir quelques projets novateurs et éco soutenables, susceptibles de la sortir de sa léthargie systémique.
                    cf pour ALV  
                    
  

lundi 14 août 2017

Nager dans le brouillard




Il y a un an déjà, la piscine Tournesol disparaissait, 
avant la chronique de mort annoncée en septembre. 
Nous verrons bien si le premier plongeon promis haut et fort pour début 2018, 
sera lui aussi avancé, au point d'en recevoir des escoupits à Noël. 
D'ici là, les enfants qui ont nécessité d'apprendre à nager, 
faisant désormais tous parti 
de la génération du tout numérique et de l'intelligence artificielle, 
n'auront aucun problème  pour consulter des tutoriels sur internet, 
comme ils doivent probablement le faire depuis 3 ans. 
C'est étrange comme il est toujours très urgent de démolir, 
de déconstruire pour faire table rase, 
comme pour inventer l'an zéro dans un grand élan de démocrature moderniste ....

d'abord agir puis réfléchir ensuite ... chacun sa méthode ... 
dans l'attente d'une piscine supersonique, 
on peut nager dans le brouillard ... puisque l'autre ... elle est cassée.


 jpa pour ALV
 



Lesparre : 
la piscine disparaîtra en septembre




Publié le 01/08/2016 à 3h38. 
Mis à jour à 9h02 par A. L..






La structure pourrait bien laisser place à un parc aquatique courant 2018.
Sans faire grand bruit, du moins au niveau de sa communication, la Communauté de communes (CdC) Cœur Médoc vient de franchir une étape physiquement visible dans sa gestion du dossier de la piscine intercommunale de Lesparre. S’il y a en effet quand même eu du bruit, c’est celui des engins de démolition qui ont commencé à s’activer mardi 26 juillet afin de réduire en miettes l’ancienne piscine de type Tournesol, devenue une verrue à l’entrée de la ville. Cette dernière était laissée à l’abandon depuis le mois de juillet 2014, date à laquelle elle avait été fermée pour, selon les prévisions de l’époque, faire l’objet de travaux de rénovation qui devaient durer deux ans.
Initialement annoncé comme étant celui de sa réouverture (voir notre édition du 23 juin 2014), le mois de septembre 2016 sera en fait celui de sa disparition. Budgétisés pour une somme de 72 000 euros, la durée des travaux de démolition n’a pas été annoncée, pas plus que ne l’avait été celle de leur commencement. Un nouveau projet est à l’étude, sur un site qui se trouverait à proximité de l’actuel, et celle-ci devrait être terminée à la fin de la présente année. Lors du dernier conseil communautaire à avoir évoqué la question, le premier plongeon a été programmé pour le début de 2018 au plus tard, dans ce qui ne serait plus une simple piscine, mais un véritable parc aquatique.

lundi 17 juillet 2017

Les abeilles addictives

Le danger insoupçonné des abeilles droguées aux pesticides

Un peu à la manière de la nicotine chez les humains, les abeilles ont développé une addiction pour les pesticides. Et pour cause, les pesticides sont chimiquement similaires au composé addictif du tabac.

Bruno Parmentier

Ingénieur de l’école de Mines et économiste 
Directeur de l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA) 
Conférencier nourrir-manger.fr.    
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             


Un peu à la manière de la nicotine chez les humains, les abeilles ont développé une préférence pour les pesticides et se sont peu à peu retrouvées "droguées". 
Les insecticides néonicotinoïdes qui sont dorénavant interdits en France ont déjà 24 ans de carrière derrière eux, c’est dire si le poids énorme des lobbys (en l’occurrence ici principalement Bayer, celui qui a racheté Monsanto) a réussi à retarder au-delà du raisonnable leur retrait, pourtant indispensable. On est là dans ce que les militaires appellent les dégâts collatéraux. L’idée de départ était géniale : on enrobe les semences de cet insecticide concentré, qui commence par les protéger des prédateurs du sol, puis qui gagne peu à peu la sève et les protège alors des insectes mangeurs de bois ainsi que des chenilles, cochenilles, pucerons, etc. On avait alors promis (un peu légèrement, ou bien malhonnêtement ?) que les fleurs et leurs pollens ne seraient pas contaminées. Pas de chance, justement si ! Et donc ces produits conçus pour tuer les bébêtes qui mangent nos plantes attaquent aussi au final celles qui les pollinisent.
Il s’agit donc d’une menace majeure pour les abeilles domestiques (les seules qu’on compte régulièrement et dont on peut donc mesurer le déclin), mais aussi pour les bourdons, guêpes, papillons, mouches, etc. (il y aurait plus de 200 000 espèces d’animaux pollinisateurs !). Or la plupart des plantes que nous mangeons (près de 85 %) ont besoin de cette pollinisation pour vivre : presque tous les fruits (pommes, abricots, cerises, fraises, framboises, etc.), des légumes (courgettes, tomates, salades, etc.), mais aussi les radis, les choux, les navets, les carottes, les oignons, les poireaux, le thym, l’huile de tournesol ou de colza, et même le café et le chocolat ! Sans pollinisateurs, pour faire bref, il ne nous restera plus guère que le blé, le maïs, le riz, et les betteraves, des repas somme toute assez déprimants, et, accessoirement, plus grand-chose à mettre dans nos pots de fleurs. 
Ces pesticides, comme leur nom l’indique, sont des dérivés de la célèbre nicotine. On sait bien maintenant qu’associée à tout un tas d’autres cochonneries contenues dans nos cigarettes (arsenic, toluène, ammoniac, méthanol, etc.) elle se révèle être une tueuse d’humains très efficace : 79 000 français en meurent chaque année, 100 millions d’humains au XXe siècle, et on en attend carrément 1 milliard de morts dans le monde au XXIe siècle !

D’un côté, ça a quelque chose de touchant de voir que les êtres vivants partagent les mêmes faiblesses. Tout d’abord on a constaté que les abeilles adorent se droguer, en deviennent addicts, et que, dès qu’elles y ont goûté, elles fréquentent de préférence les fleurs qui en offrent la plus grande concentration. Toute ressemblance avec des personnes que vous connaissez ne serait bien sûr que pure coïncidence.
Ensuite on a pu observer chez elles tous les stades de l’intoxication aux drogues : l’overdose, qui les tue purement et simplement, l’intoxication forte, qui les rend en quelque sorte saoules et incapables de retrouver le chemin de la ruche, et l’intoxication légère qui leur permet de revenir au bercail, mais avec des organismes affaiblis, qui ont alors beaucoup plus de mal à se défendre des maladies, des parasites comme l’acarien Varroa destructor ou des prédateurs comme le redoutable frelon asiatique ; de plus, les mâles ont un sperme altéré.La diversité de leur alimentation décroit aussi fortement avec les monocultures et l’absence de haies, ce qui les aggrave le phénomène. Le changement climatique a également son rôle, tant la simultanéité des floraisons avec le développement des insectes est fondamentale. Et le fait que, par facilité, les apiculteurs remplacent souvent leurs reines mortes par des importées, plus ou moins croisées ou hybrides, beaucoup plus fragiles et sensibles et donc moins bien adaptées à nos climats et nos prédateurs que les espèces endémiques.
Au final, nous vivons ce que certains ont pu appeler un « syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles », et des autres insectes. Nous avons probablement perdu au moins la moitié de nos papillons depuis trente ans, et 30 % des abeilles meurent dorénavant chaque année, un chiffre qui a fortement augmenté l’hiver dernier en Europe. Une étude publiée en octobre 2017 dans la revue PloS One, estime, elle, que le nombre d’insectes volants a décliné de 75 % à 80 % sur le territoire allemand depuis les années 90. Une autre, du CNRS, mentionne que le carabe, le coléoptère le plus commun, a perdu dans les Deux-Sèvres près de 85 % de ses populations au cours des vingt-trois dernières années.

Cette véritable hécatombe provoque de multiples conséquences en chaine : les populations d’hirondelles et autres oiseaux insectivores ont aussi diminué de moitié, etc. Sans oublier les lombrics et autres animaux et micro-organismes des sols durablement contaminés. Avons-nous joué les apprentis sorciers et déclenché une catastrophe et est-il possible de résoudre le problème ? Le moins qu’on puisse dire est qu’on s’est hâté lentement pour réagir ! Et que l’industrie agrochimique, confiante dans ses immenses capacités de lobbying et grisée par la rentabilité de ces produits, n’a pas assez cherché de solutions alternatives, plus respectueuses de la nature. D’où le fait que, par exemple, la FNSEA proteste actuellement en disant que certaines cultures comme le maïs, attaqué par la mouche grise, et la betterave par le puceron ver, se retrouvent « sans solution de remplacement », et que dans tous les cas les alternatives nécessitent plus de travail et de main d'œuvre, ce qui réduit la compétitivité des agriculteurs français face aux produits importés. D’autant plus que les betteraves sont récoltées avant la floraison…
Mais il s’agit bien entendu, comme dans le dossier du glyphosate, d’un combat d’arrière-garde (même si, au final, on n’est pas du tout sûr que ce dernier soit cancérigène…). L’opinion publique, qu’il y ait un ministre de l’écologie ou non, est dorénavant massivement contre ces pratiques d’agriculture « tout chimique ». Reste à la convaincre de dépenser davantage pour se nourrir en rémunérant correctement les producteurs, lesquels voient leurs coûts et leurs risques augmenter.

Car nous n’avons pas d’autres solutions crédibles pour polliniser les plantes ; songeons qu’une abeille visite 250 fleurs en une heure, y compris dans les endroits les plus inaccessibles, et qu’une ruche peut traiter à elle seule jusqu’à 30 millions de fleurs en une journée.
Il est donc urgentissime de se mobiliser fortement, particulièrement en Europe, pour faire naître et développer une agriculture « écologiquement intensive » alternative à l’actuelle « chimiquement intensive ». Produire plus et mieux avec moins, en s’appuyant sur une meilleure connaissance de la nature et en passant des alliances avec elle. Justement ça devient possible grâce au développement de l’intelligence artificielle, du big data et des analyses génétiques hyper fines, qui nous permettront enfin de faire connaissance avec les 220 millions d’êtres vivants qui vivent sous chaque M2 de sol et que nous nous sommes jusque là appliqués à détruire, faute de savoir à quoi ils servaient réellement, ou les 108 000 gènes que l’on vient de lister dans le seul blé, et dont on va donc pouvoir découvrir à quoi ils contribuent, un par un.
Souvenons-nous du DDT, un insecticide miracle qui a valu à son inventeur le prix Nobel de la paix, de qui on a pu dire que « personne n’avait sauvé autant de vies humaines que lui » en éradiquant le paludisme dans de larges régions du monde. Il est maintenant considéré, retour de l’histoire, comme parfaitement nocif et la France et les USA l’ont purement et simplement interdit dès 1972. Le paludisme n’est pas pour cela reparti de plus belle. Les solutions existent, c’est au génie de l’homme de les trouver… s’il se motive suffisamment pour cela !

Bruno Parmentier

lundi 5 juin 2017

Tourisme or not tourisme





Lesparre, capitale du MEDOC nous affirme la source wikipédiatisée, pour un territoire dont on nous dit que son avenir économique dépendrait de son développement touristique. 
La mondialisation façonne des lieux qui se ressemblent pour des voyageurs de l’inutile qui se déplacent en proximité ou très loin pour toujours arriver dans un même endroit, comme dans un voyage immobile. C’est la crise d’épilepsie de la société du spectacle et de la consommation, dans l’insécurité culturelle et les facteurs de décivilisation portés par le culte cathodique. 
Tous les chemins ont fini par ne plus arriver à Rome, ils arrivent désormais aux temples de consommation, pour aboutir à la gestion mondialisée du Big DATA. De Gallo Romains, nous sommes devenus sans le savoir des Gallo Ricains avec la victoire de l’homme économique. 
Le rêve d’être un saint au temps jadis, puis un héros plus tard est aujourd’hui d’être un milliardaire connecté au tout à l’égo d'un Global Village où le citoyen devient le consommateur qui ne sait pas d’où il vient. 
Le capitalisme financier a remplacé le capitalisme industriel, là où Napoléon voulait une Europe française, on veut une France européenne. 



Lesparre est un endroit en léthargie depuis longtemps, subissant les conséquences de la déculturation, sans pouvoir accéder à l’illusion de la modernité, c’est probablement sa force, l’incapacité à pouvoir devenir comme ailleurs. 



Cette ville a probablement des atouts naturels sous jacents, géographiques, historiques, démographiques, environnementaux, pour en faire l’épicentre d’un mouvement de conscience citoyenne, autonomisant les petits territoires par l’identité agriculturelle en circuit court, conjuguée à la maitrise de la transition numérique, et si le tourisme se greffe là dessus, pourquoi pas ... mais n'oublions pas que le tourisme est un plus et non une fin en soi.
Les échanges recueillis auprès de Christophe Bouillaud et Jean-Michel Hoerner traitent le sujet d'un point de vu global à l'échelle européenne. 

 jpa pour ALV  





L'âme de l'Europe: le lien entre ses diversités 
Christophe Bouillaud                          
Professeur de sciences politiques à l'Institut d'études politiques de Grenoble                          
Spécialiste de la vie politique italienne et de la vie politique européenne. 
Jean-Michel Hoerner 
Professeur de géopolitique émérite et président honoraire de l'Université de Perpignan                            
Enseignant-chercheur à l'IDRAC-IEFT                                                                                                                                     

Du point de vue économique, le tourisme représente un secteur vital dans beaucoup de pays européens, bien qu'il ne soit pas au cœur des grandes stratégies économiques que promeuvent la Commission européenne ou les grands états. Alors que l'Union européenne connait une crise politique majeure et semble se diviser, il est un domaine dans lequel l'Europe apparaît comme un espace relativement homogène et dynamique : celui du tourisme. Avec 40% du tourisme mondial, 27 milliards d’excédent commercial en 2016, le Vieux Continent est la plus grande puissance touristique du monde. L'Union européenne ne met-elle pas assez en avant sa grande réussite touristique ? L'Europe n'existe-t-elle pas, ne serait-ce que mentalement, comme un espace varié, mais cohérent, qu'on visite en vacances ?

Jean-Michel Hoerner : 
Le tourisme est un phénomène récent qui est né au XVIII° siècle à partir de l’expression provinciale française « faire un tour » et, paradoxalement, du rôle de l’aristocratie (les jeunes nobles doivent « faire un tour » sur le continent européen pour mieux connaître la vie). Avec les mutations du XVIIII° siècle, « la fin de l’histoire » disait le philosophe Hegel, et le rôle du voyageur britannique Thomas Cook, naissent les principales caractéristiques du tourisme actuel : les rôles des hébergements, dont l’hôtellerie, de la restauration et des réservations. Cependant, la grande mutation remonte à la fin des grandes guerres mondiales, après 1945, et l’organisation pacifique de la planète, soit la victoire du soft power sur le hard power. Certes, il y a encore çà et là des conflits, et des formes de racisme ont succédé à l’ancienne colonisation, mais globalement le monde a changé. Les quelque quatre milliards de passagers aériens dans le monde ont abouti à plus de 2,2 milliards de touristes internationaux et, si l’Europe est devenu le premier pôle touristique de la planète, le monde entier aujourd’hui participe à cette mutation. Après les Etats-Unis qui ont copié l’Europe, il faut mentionner ainsi le rôle majeur de la Chine, sans oublier d’autres pays asiatiques comme l’Inde ou la Thaïlande, l’Amérique latine et même l’Afrique.

Le soft power a donc bien remplacé le hard power, autrement dit les temps de paix fondés sur la prospérité économique et d’excellentes relations diplomatiques ont mis un terme aux conflits armés et à la nécessité de faire la guerre pour obtenir gain de cause. Il faut ainsi mesurer le rôle du tourisme en France où plus de 80 millions de voyageurs étrangers circulent chaque année sur le territoire, résident dans toutes les contrées accessibles et ouvertes, et finalement développent des activités économiques très denses. Néanmoins, une question se pose : pourquoi des populations du monde entier décident-elles de voyager ? Il y a bien sûr plusieurs raisons mais on peut retenir trois facteurs principaux : un besoin d’échanges sans être obligé de faire la guerre, le sentiment d’appartenir au même monde, de l’Europe à l’Asie, de l’Amérique à l’Afrique, et la volonté de créer de nouvelles activités économiques comme le tourisme fondé sur les hébergements, la restauration et les réservations. Il ne faut pas oublier de mentionner que le tourisme représente aujourd’hui quelque 10% du PIB mondial !Tous les pays du monde accueillent des touristes et ont donc développé des activités économiques fondées sur cette activité. Mais à ce propos, il faut en citer d’autres qui peuvent accompagner le tourisme. C’est le cas des grandes compétitions sportives comme le récent championnat du monde de football en Russie. Qui n’a pas été étonné par le grand nombre de spectateurs d’Amérique latine, par exemple, qui dépassaient celles de l’Europe voisine ? En raison de leur très relative prospérité, on est obligé de reconnaître une certaine mutation dans les habitudes, sauf à considérer que les populations aisées moins nombreuses qu’ailleurs privilégient les activités touristiques… À ce propos, on pourrait développer l’exemple chinois où les millennials (nés entre 1980 et 2000) sont très nombreux, sinon majoritaires. En effet, la Chine utilise le tourisme pour mieux se développer, entre une forme de capitalisme pacifique et un pouvoir très ouvert. Qui comprend vraiment que des touristes chinois se rendent à Paris pour acheter des vêtements assez luxueux ? Autrement dit, le soft power contribuerait-il à une mutation sociale ?


Christophe Bouillaud : 

Il est certain que, du point de vue économique, le tourisme représente un secteur vital dans beaucoup de pays européen (la Grèce, la Croatie, etc.), mais qu’il n’est pas au cœur des grandes stratégies économiques que promeuvent  la Commission européenne ou les grands Etats (Allemagne, France, Italie). Ces derniers pensent plutôt à doper la compétitivité industrielle par l’innovation et la recherche, à l’ « industrie 4.0 », ou à attirer des services à haute valeur ajoutée, comme en particulier les services financiers à la suite du Brexit. Ce choix est  fort compréhensible dans la mesure où la puissance d’un Etat, en Europe ou ailleurs dans le monde, ne correspond jamais à l’activité du seul secteur touristique, mais toujours de son poids industriel ou financier. Le tourisme attire certes de la richesse consommée sur un territoire, mais cela ne dure que tant qu’il y a des touristes venus apporter leur argent. Le tourisme est plutôt un plus, et ne vivre que du tourisme des autres n’est pas très sain économiquement à moyen terme, sauf pour les micro-Etats (Andorre, les îles anglo-normandes, etc.). Par contre, il est aussi certain que « l’Europe » est une destination pour des millions de touristes extra-européens, en particulier ses grandes métropoles touristiques, comme Paris ou Londres. Pour les touristes non-européens (Nord-américains, Moyen-orientaux, Russes, Japonais, Russes, etc.), l’ouest du continent européen reste plein de villes à découvrir ou de lieux de loisir à fréquenter (comme les Alpes en hiver), et cela d’autant plus que la paix et la sécurité y règnent et qu’une grande liberté y est offerte sur bien des points.Pour les Européens eux-mêmes, l’Europe touristique en tant que telle existe beaucoup moins. Ce ne sont que des pays de destination différents, choisis en fonction de la proximité ou d’un rapport qualité/prix, destinations européennes qui peuvent être en concurrence avec des destinations extra-européennes. Ainsi l’Espagne ou le Portugal sont très fréquentés par les touristes européens ces dernières années parce que des destinations du sud de la Méditerranée sont apparues moins sûres depuis 2011. Il n’y a pas là d’aspect européen dans le choix, en dehors de l’argument du prix, de la distance et de la sécurité. De fait, l’aspect Union européenne ou zone Euro est totalement hors cadre du raisonnement du touriste cherchant une destination : personne ne refusera d’aller en Suisse ou en Norvège parce que ces pays ne sont pas dans l’Union ou n’utilisent pas l’Euro, mais parce qu’ils sont bien trop chers pour 95% des touristes. Inversement, Prague, Bucarest ou Sofia, qui ne sont pas dans la zone Euro, cartonnent, car c’est bien moins cher qu’Oslo ou Zurich. Le tourisme reste avant tout une consommation sur un marché de plus en plus mondialisé.
Un espace comportant de nombreuses destinations de bien-être, de culture, favorisé par un vraie libre-circulation... qu'est-ce que dit la vision touristique qu'on peut avoir de l'Europe de l'identité européenne elle-même ?


Christophe Bouillaud : 

En fait, en observant les flux touristiques, on s’aperçoit qu’il existe surtout des régions au sein de l’Europe, ou des sentiers privilégiés des vacances. Par exemple, les touristes français quand ils sortent de France vont surtout en Espagne, en Italie et au Portugal – pour des raisons de coût, de proximité linguistique et aussi parfois de liens familiaux. Parfois, des vieux sentiers de vacances se rouvrent : les Russes argentés d’aujourd’hui apprécient Nice et sa riviera comme les Russes aristocrates d’avant 1914.De fait, les flux touristiques contemporains en Europe sont eux-mêmes inscrits dans l’histoire européenne. Mais il faut aussi souligner que, pris dans sa masse, le tourisme n’a guère d’autre signification aujourd’hui que sa dimension hédoniste et festive. Le tourisme intellectuel –sur le modèle du « Grand Tour » du XVIII° siècle qui inaugure le tourisme dans l’espace européen – n’existe plus ou n’a plus qu’une importance marginale. Croit-on en effet que les millions de visiteurs de Venise vont rendre hommage à la « Serenissima » ? Ou que les visiteurs de la Tour Eiffel vont y célébrer la gloire de l’ingénierie française du XIX° siècle ?
Et puis, toute personne qui s’est déplacée en Europe ces dernières années aura remarqué que les endroits les plus passants des grandes villes touristiques se ressemblent tous par leur offre commerciale : un H&M, un MacDo, un AppleStore, etc. C’est incroyablement standardisé.


Les phénomènes de "muséification" de nombreux centre-ville ou de "disneylandisation" de certains espaces (selon la formule de la géographe Sylvie Brunel) ne montre-t-elle pas aussi les limites de ce succès touristique européen ?




Jean-Michel Hoerner : 

Avec le sentiment que nous sommes loin d’avoir perçu entièrement le phénomène, on peut rappeler certaines particularités du tourisme européen: tout d’abord, ce sont les métropoles qui demeurent les plus accueillantes, à tel point que la géographe Sylvie Brunel a pu parler d’une certaine forme de disneylandisation. On peut citer Barcelone, Venise, Amsterdam, Berlin mais un peu moins Paris qui échapperait au phénomène.Tout cela s’explique par le nombre considérable de touristes qui choisissent ces destinations, notamment grâce au succès des logements collaboratifs : on cite ainsi la société américaine Airbnb qui permet à des touristes d’être hébergés à moindre frais dans des appartements loués. 


Ne faut-il pas non plus rappeler le succès des séjours d’étudiants hors de leurs pays d’origine grâce à Erasmus ? Autrement dit, plus que les autres continents qui commencent cependant à les imiter, les pays européens sont entrés dans une tradition touristique originale. Une évolution qui bénéficie d’un climat de paix et de remarquables progrès technologiques…



Christophe Bouillaud : 

Bien sûr,étant donné que la part la plus nombreuse des touristes est prête soit à faire la fortune des marques globales, soit à consommer les produits à emporter les moins chers, on aboutit dans toutes les villes touristiques du continent au même décor assez désolant dans la partie la plus fréquentée par les touristes. La création d’une seconde hôtellerie low cost par les sites bien connus de location de courte durée n’a fait qu’amplifier le phénomène, tout comme les vols low cost. Cela ne vaut certes que pour quelques kilomètres carrés de ces destinations, et en s’écartant des passages obligés, on retrouve partout la ville ordinaire des gens du cru, mais cela ne concerne qu’une minorité des touristes.
On peut d’ailleurs se demander à ce stade pourquoi les gens bougent – d’où une critique montante de ce tourisme urbain de masse. Les raisons sont souvent simplement un calcul d’arbitrage sur la consommation,  et surtout sur la consommation festive, en bénéficiant des différences de niveau de vie et de niveau de taxation. Une grande partie du trafic touristique entre la Scandinavie et les Pays baltes est ainsi simplement une conséquence de la différence sur les prix de l’alcool, et plus généralement de la fête alcoolisée. Ce n’est pas nouveaud’ailleurs :les « villes du vice » ont toujours été des lieux de succès touristiques si elles sont à côté d’un pays riche plus restrictif, comme la Havane avant 1956.
On notera d’ailleurs qu’une ville européenne semble avoir d’autant plus de succès ces dernières années qu’elle promet un aspect festif à ses visiteurs. L’extraordinaire montée en charge touristique de la ville de Berlin ne s’explique pas autrement. « Pauvre mais sexy », comme disait son maire, et maintenant si envahie de touristes dans certains quartiers que la population manifeste contre eux. On peut soupçonner que le succès des villes qui promettent la fête lowcost, plus ou moins à la mode, correspond bien à l’affaiblissement du pouvoir d’achat des fêtards européens dans leur propre pays. Puisqu’il est trop cher de faire la fête chez soi ou qu’il y a trop de contraintes légales, allons chez le voisin pour le faire à moindre coût, surtout si l’on y va par un vol low-cost. Finalement, nos touristes bénéficient aussi grâce à l’Europe d’un moins-disant… comme n’importe quel entreprise cherchant la meilleure fiscalité et les règles sociales les moins contraignantes. Cela n’a pas grand-chose à voir avec une quelconque identité européenne. 


Berlin un jour, Bangkok un autre jour. Où est la différence? Dans le bilan-carbone du voyage?Une des actions les plus plébiscitées de l'Union européenne est souvent le programme Erasmus, qui permet aux étudiants d'aller découvrir d'autres pays en poursuivant leurs études dans un autre pays de l'Union étrangère. Quelle image de l'Europe Erasmus donne-t-il aux Européens à mi-chemin entre le tourisme et l'éducation, et  ne contribue-t-elle pas à renforcer cette image d'une Europe des mobilités touristiques ?


Christophe Bouillaud : 
Il ne faut pas confondre les deux aspects, tourisme et mobilité pour les études, même si les deux peuvent se mêler. Autant le tourisme de masse n’apporte sans doute pas grand-chose à une réelle interconnaissance entre Européens – comme il ne rapproche sans doute pas beaucoup les Européens allant en vacances en Thaïlande et les Thaïlandais -, surtout dans sa forme la plus massifiée, la mobilité universitaire me parait bien plus porteuse de liens. Etudier un semestre ou un an dans un autre pays européen, ce n’est pas du tout la même chose qu’un passage comme touriste ou fêtard, ne serait-ce que parce qu’il faut se confronter à une vie quotidienne ordinaire et souvent à quelques intéressantes tracasseries administratives.
Il faut ajouter qu’à en croire nos étudiants des IEP, les façons d’enseigner restent diverses en Europe. Autant un MacDo ou H&M se ressemblent, autant un cours universitaire peut différer d’un bout à l’autre de l’Europe. Bref, il y a là plus de diversité que dans la consommation de masse ou la fête alcoolisée. 


C’est donc une image beaucoup plus réaliste de l’Europe telle qu’elle est en profondeur : diverse.