lundi 12 novembre 2018

Civic Tech et démocratie

Les CIVIC TECH s'invitent au forum pour la paix. 

CIVIC TECH, ensemble des structures, outils et technologies, Associations, Collectifs citoyens, ONG, Start up, engagés dans l'intérêt général d'amélioration du système politique démocratique.

Le devenir de Lesparre-Médoc comme du territoire,
dépend d'un désenclavement
qui ne peut plus être entendu dans une notion de périmètre
mais d'inter-connexion au monde
engagé dans les transitions de son temps.


LE TERRITOIRE N'EST PAS UNE SURFACE.


jpa pour ALV 






Axel Dauchez 
Homme d'affaires et chef d'entreprise français.
École polytechnique, étudie l'ethnologie à l’École des hautes études en sciences sociales. 
Président de BDDP&Tequila interactive. 
Dirigeant d'Antéfilms puis MoonScoop, et Directeur général de Deezer  
Président de Publicis France jusqu'en 2016 puis lance Make.org une civic tech. 


A. : Quel est le but principal de cette charte ?
A. Dauchez : L'objectif principal de cette charte est de remettre dans la bonne direction la démocratie dans le monde. C'est donc très ambitieux. Ca part d'une reconnaissance du fait que la démocratie est extrêmement fragile et qu'elle aujourd'hui très challengée. 40% des gens considèrent que ce n'est pas forcément la bonne solution en France. Le modèle démocratique a du mal à être opérant dans nos sociétés actuelles, or c'est celui qui nous protège et permet la souveraineté populaire. Pour ces raisons-là, nous avons initié chez Make.org l'idée selon laquelle le point fondamental qui fragilise la démocratie actuellement, c'est ce sentiment d'impuissance publique. C'est-à-dire ce sentiment qu'elle n'est plus déterminante de l'environnement des gens et que le bulletin de vote ne permet pas de définir fortement notre avenir et l'avenir de nos enfants.
Ce sentiment d'impuissance publique génère deux choses. D'une part un désengagement massif du processus politique, c'est ce qu'on vit depuis 20 ans, où l'on observe une baisse de la confiance dans le processus démocratique. D'autre part, ça laisse la place à des discours extrêmes qui théâtralisent le pouvoir, qui affirment qu'ils vont tout changer. Ca laisse un espace politique très fort aux extrêmes. On le constate dans toutes les grandes dernières élections: l'Italie, les Etats-Unis…
On observe ce phénomène d'élections qui ne sont plus des lieux de réconciliation nationale mais plutôt d'expression d'oppositions extrêmes et qui mènent à des débats très populistes. C'est ça le problème majeur auquel est confrontée la démocratie aujourd'hui.

A. : Comment se traduirait cette volonté de façon plus concrète ?
A. Dauchez : C'est le cœur du problème et la réponse que donne la charte, cette initiative pour la démocratie durable, c'est de dire qu'il faut urgemment réimpliquer les citoyens dans le fonctionnement même des institutions, recréer une appropriation citoyenne sans se limiter simplement au processus électoral.
C'est pour cela qu'il y a de nombreux acteurs qui travaillent sur le sujet: c'est ce qu'on appelle les Civic Tech, des associations, des start-up, des entreprises qui depuis 10 ans essayent d'inventer toutes les manières de mobiliser les citoyens au service de l'intérêt général et de créer des connexions qui dépassent simplement le processus électoral.
Sur ce chemin pour réactiver la démocratie, on a réussi à convaincre des Etats, des villes, qui s'engagent à faire en sorte que leur fonctionnement et leurs institutions s'ouvrent aux citoyens au-delà des élections. C'est l'objet de la première partie de la charte où les Etats s'engagent.
En revanche les Etats disent en même temps : "si on s'ouvre en travaillant avec des gens de la Civic Tech, ils doivent s'engager à respecter un certain nombre de critères". On est sur un sujet extrêmement sensible et on est obligé de fixer des garanties qui font que cette évolution se fasse au service de la souveraineté nationale, en protection des données, en protection des citoyens.
C'est la dernière partie de la charte où les Civic Tech s'engagent à assurer ces critères de compatibilité avec la démocratie.

A. : Comment peut-on mesurer l'efficacité de ces mesures ?
A. Dauchez : Ce qu'on cherche tous dans cette alliance, c'est qu'on ait un mouvement de réappropriation citoyenne des institutions. Cela se manifestera via le nombre de personnes qui vont, indépendamment des élections, interagir dans la construction de la loi, dans la surveillance citoyenne du parlement, dans de la co-construction de politique publique. Il y a de nombreux volets qui vont permettre que les gens ne regardent pas l'Etat comme quelqu'un qu'ils ont élu et qui doit se débrouiller pour s'en sortir mais de permettre que ce soit les citoyens qui s'impliquent dedans directement. Donc le critère marquant sera le nombre de personnes impliqués durablement dans le fonctionnement de ces institutions.
Demain, nous aurons la signature avec l'accord de la France, de Taïwan, d'une trentaine de Civic Techs, de la Ville de Paris… Nous complèterons cette alliance au cours de l'année en intégrant toutes les CivicTech qui sont prêtes à respecter ces critères-là. L'idée est de construire une nouvelle norme du fonctionnement démocratique.
Nous sommes dans un terrain de jeu qu'on construit. Après dans chacun des pays et dans chacun des thèmes des Civic Tech, il faudra trouver des solutions.


A. : Vous expliquez que votre initiative peut potentiellement faire obstacle à des débats populistes pour protéger la démocratie. Mais si l'on prend des exemples de candidats comme Donald Trump, sa ligne politique n'entre pas en contradiction avec le principe démocratique. En quoi donner plus de contrôle et d'influence aux citoyens bloquerait-il le populisme ?
A. Dauchez : Les Civic Tech faisant parti de ce processus sont toutes non-partisanes. Il n'y a pas de logique consistant à porter un discours politique, partisan en faveur d'un candidat ou d'un autre. Ce que disent les Civic Tech c'est que le processus des élections n'est plus créateur de réconciliation nationale. Les pays sont de plus en plus divisés dans leur cœur, les Etats-Unis par exemple, et il est donc plus difficile pour les gouvernements de mettre en œuvre ce pour quoi ils ont été élus. Je parle de tous les partis, extrêmes ou pas.
Le principe n'est pas de dire s'il y a des bons ou des mauvais, c'est de dire que compte-tenu du niveau de fragmentation de ces sociétés, il est capital que les citoyens s'engagent eux-mêmes dans le fonctionnement des institutions au-delà du processus électoral. C'est ça le rôle des Civic Tech.
Vous avez l'accord de plusieurs gouvernements. Si l'on part du principe qu'il existe une défiance envers l'ensemble du système politique de la part des citoyens, comment peut-on imaginer que ces mêmes citoyens fassent confiance à des processus validés par ce même système politique ?
Selon nous, l'élément qui est cassé en ce moment, c'est la logique de parti politique, de s'engager avec un candidat auquel on croit. C'est ce qui est challengé par les citoyens et c'est ce qui s'est très affaibli. Nous n'allons pas décréter la confiance des citoyens, nous allons leur donner la possibilité d'avoir un rôle direct sur les choses plutôt que seulement indirect via les processus électoraux.
Ce processus ne sera pas fructueux parce qu'il est mis en place. Il le sera à partir du moment où les gens auront le sentiment de pouvoir agir sur l'intérêt général. Le vrai élément qui manque à nos sociétés aujourd'hui, c'est l'impression qu'on n'arrive plus à agir sur cet intérêt général puisque le processus électoral ne marche pas. L'objectif est de reconstruire par l'expérience et la réalité, pas par le discours, un sentiment de démocratie permanente : le sentiment qu'une petite action a un petit impact mais que tout le monde peut agir sur le monde. 


vendredi 2 novembre 2018

Déclin de l'hyperconsommation



A l'heure où les responsables eux-mêmes forcés et contraints font leur mea-culpa,     n'est-il pas grand temps à échelle locale de nous poser la question essentielle 
du choix de notre mode de vie au quotidien ? 

Qu'est-ce qu'on mange,
pourquoi, quand, comment on le mange,
et avec qui on le partage ?

L'exception culturelle des peuples
n'existe que par la reconnaissance du monde paysan et son identité agri-culturelle. 


jpa pour ALV


     



"Ceux qui sont en train de faire changer les choses sont les consommateurs, qui voient bien ce qu'une alimentation de mauvaise qualité produit sur eux"

Serge Papin
ancien patron de Système U pendant 13 ans, revient dans un nouveau livre sur les scandales alimentaires à répétition, les coulisses de la guerre des prix entre les grandes enseignes, la détresse des agriculteurs et le déclin des hypermarchés.

A.: Vous venez de publier "Du panier à l'assiette, alimentation, grande distribution, agriculture... Pour en finir avec la malbouffe !" aux éditions Solar, un livre qui prend la forme d'un grand entretien entre Périco Légasse, critique gastronomique, et vous-même, ancien dirigeant de Coopérative Système U. Vous partez d'un constat : le système de consommation hérité des Trente Glorieuses est en mutation, et est de plus très fortement critiqué. Qu'est-ce qui ne fonctionne plus dans le système actuel ? Peut-on parler de crise de confiance ?

S. Papin : Oui, il y a une crise de confiance sur l'alimentation. Ne serait-ce que pour des raisons de santé. Il y a suffisamment de liens qui sont maintenant avérés entre des substances dites "controversées" et la santé. Je sais de quoi je parle puisque j'ai été de ceux qui, il y a une dizaine d'années, se sont battus pour les faire disparaître. La crise concerne aussi les questions environnementales. On voit bien qu'une alimentation non respectueuse de l'environnement a des inconvénients et sur la santé des hommes et sur la santé de la planète. La crise concerne aussi les emplois. Il y a aussi de nouvelles données qui deviennent importantes, comme celles du bien-être animal, surtout depuis que certaines ONG rapportent la façon dramatique dont les animaux peuvent être traités. Et il y a même des crises de confiance en matière de tromperie, l'exemple type étant celui des lasagnes au cheval...
Tout cela a nourri un doute, et ce livre veut essayer de porter un diagnostic et en même temps d'ouvrir des voix nouvelles ou du moins des voies réconciliation pour faire en sorte que l'alimentation soit au service du bien-être pour tous le monde : pour ceux qui le produisent, qui le transforme, qui le vendent, qui le consomme et aussi pour les animaux et pour la planète. Il faut quitter le rapport de force pour aller vers quelque chose qui permette une certaine réconciliation. Et sans forcément faire la leçon, et pointer du doigt. Ce qui est intéressant, c'est l'avenir.

A.: Périco Légasse finit le livre en disant que la balle est dans votre camp, et celui de l'industrie agro-alimentaire. Que faire pour que les Français, qui se sont habitué à une nourriture de qualité, retrouve le chemin d'une alimentation de meilleure qualité et plus équilibrée ? Quel rôle peut jouer la grande distribution dans ce processus ?

S.Papin: C'est ce que dit Périco. Je crois que la balle est dans le camp de tous les acteurs de la filière : les producteurs, les transformateurs, les distributeurs et les consommateurs. Ceux qui sont en train de faire changer les choses sont les consommateurs. Ils voient bien ce qu'une alimentation de mauvaise qualité produit sur eux. Ils voient que le consommer toujours plus à ses limites. Beaucoup de gens préfèrent maintenant une forme de sobriété positive. C'est à partir de cette évolution-là que la demande change. Le consommateur va sans doute être celui qui va obliger demain à un progrès et à cette réconciliation entre les acteurs. Cela part de lui, et après tout le monde est responsable. On ne peut plus faire comme avant. La demande est exprimée par les consommateurs, et nous avons une connaissance des inconvénients et des problèmes que la mise sur le marché de certains produits occasionnent. La responsabilité est partagée, et bien entendu, les distributeurs ne doivent pas s'affranchir de cette responsabilité. 


A.: Votre dialogue met bien en relief certains excès de la grande distribution, notamment en matière de communication. Comment considérez-vous la démarche de vos anciens concurrents qui ont tous décidés, face à la hausse des prix du carburant, de vendre leur essence à prix coûtant ? N'est-ce pas démagogique ?

S.Papin: Il y a de l'opportunisme, car on sait bien que la marge du distributeur est la portion congrue, qu'il s'agit de quelques dizaines de centimes. Ce n'est pas ça qui va changer le pouvoir d'achat. Je pense que ce sujet là est tout d'abord malhonnête, parce qu'il y a d'abord beaucoup de marge qui se fait en amont. Ce n'est pas en aval qui faudrait agir. C'est sur Total et ceux qui raffinent. 
J'ai une proposition, mais on me traite d'utopiste quand je dis ça. Il faudrait selon moi s'entendre sur le prix juste de l'énergie fossile. C'est une matière très fluctuante le pétrole, et les prix vont sans doute baisser. L'Etat pourrait très bien s'adapter sur le prix du pétrole pour avoir des prélèvements bas en cas de prix hauts et des prélèvements hauts en cas de prix bas. Il y a un mécanisme à mettre en place certainement. De la même façon qu'on le fait pour l'électricité. Pour l'électricité, il y a heureusement EDF, qui permet de stabiliser les prix et ne vient pas répercuter les surcoûts que peuvent générer tel investissement sur le démembrement de la centrale de Fessenheim ou autre. On aurait des surprises ! Il faut de la régularité. C'est une solution pour permettre d'encaisser les crises. Et dans le même temps, il ne faut pas oublier qu'on a la transition écologique à amener. On ne peut pas non plus dire tout et son contraire. Il faut aller vers une limitation de l'utilisation des énergies fossiles. Par exemple quand on est en zone rurale, c'est compliqué. La démarche des distributeurs est donc non seulement opportuniste, mais en plus elle ne résout rien. Le problème reste le même. 

A.:Le supermarché doit connaître une mutation prochaine, celle de l'entrée en piste des GAFAM dans l'alimentaire notamment. Alors que le supermarché tente de renouer un lien plus honnête, plus charnel avec son client, ces GAFAM ne risquent-elles pas de reprendre le flambeau des excès ?

Le supermarché doit choisir son terrain de jeu. Son terrain de jeu, c'est le physique. Il faut "ré-artisanaliser" son offre, revenir à du fait maison. Il faut qu'il vende plus de produit non transformés, ou transformés par lui. Si le supermarché refabrique sa charcuterie, si il fume son saumon, si il mature sa viande, s'il a du bon pain, un bon caviste, s'il achète son poisson à la criée... etc. cela peut tout changer. Cela sous-tend des grands professionnels correctement payés. Et le deuxième point qui doit porter ces valeurs, c'est la marque. Qu'en fait-il ? S'agit-il de conjuguer des métiers de bouches de qualités, de porter des valeurs, est-elle respectueuse du paysan, de la santé... etc. ? A ce moment-là, il sera raccord avec la société d'aujourd'hui. Il faut avoir du respect pour ce qu'on distribue, comme en a un artisan pour sa production, et cela se passera bien.