lundi 15 janvier 2018

Calme déconstruction de la ville



La pensée désenchantée s’accorde souvent et à quelqu’échelle que ce soit, autour du constat d'un monde tenté par l’expérience du chaos, comme s’il lui fallait passer par l'épreuve révolutionnaire pour se réinventer au prix fort.

Il ne s’agit là que des conséquences d’un trop long refoulement collectif, accompagnant le manque de courage politique de la part des instances dirigeantes des dernières décennies, participant à l’accélération aveugle d’une économie bodybuldée par le "tout tout de suite" et la dictature du pas cher. On n'est jamais assez riche pour acheter pas cher.

Il nous reste aujourd’hui les ruines de l'héritage de la noblesse du monde et des territoires perdus de la république, déconstruits par le libéralisme culturel. 

Si l'on reste à l’échelle de la ville de Lesparre-Médoc qui nous lie, nous pouvons remarquer quelques épisodes marquants qui affirment bien la politique moderniste et déconstructiviste menée, qui aura forcément une résonance dans le destin de la ville et dont les décideurs devront entre autres endosser :   


la responsabilité d'avoir reconverti,
l’ancien Palais de Justice,
seul bâtiment d’autorité symbolique
républicaine du Médoc,
en centre d’animation faute d’avoir pu recruter
un dirigeant pour un centre culturel potentiel ...

adresser de fait un message liberticide, 
depuis la voix de la justice locale 
mutée en voix de comédie ...

limiter l'hypothèse culturelle du CALM 
à un espace ostentatoire, 
inapproprié et répulsif pour la jeunesse, 
comme si l'écho d'une sentence 
pouvait encore se faire entendre ... 

s'amuser d'un acronyme 
sursignifiant la somnolence installée, 
en dévaluant un bâtiment répertorié et 
potentiellement classable 
au répertoire des monuments historiques, 
rare édifice architectural dont la ville dispose 
en majesté capable de transmettre 
transgénérationnellement, 
les valeurs fondamentales et 
républicaines du maintien de notre société, … 







La.responsabilité d'avoir installé 
Brice de Nice à la place de Molière, 
dans l'étrange chassé-croisé 
des mots qui, la nuit, 
traversent la rue sans regarder, 
pour prendre leurs retraites, 
comme ce Palais de Justice 
dépourvu de robe et d'Hermine, 
allant en face se rhabiller 
en Palais du Costume, 
pendant que Molière 
en mal d'imaginaire, 
quitte 24 images secondes 
pour venir se reposer au CALM,
donner son nom en salle d'audience 
et psalmodier Tartuffe en boucle à qui voudra bien l'entendre dans un peu d'épaisseur culturelle...




L'ancien Tribunal sera ambitionné en Centre Culturel 
pour être finalement Calmé en Centre d'animation



La responsabilité de n’avoir pris
aucune décision pour le maintien
de l’équilibre fonctionnel essentiel
du coeur de ville et
de sa rue principale commerçante,
atomisée comme ailleurs
par une trop grande distribution,
en L ou C majuscule qui,
au lieu de nous vendre
un produit au prix juste,
nous vend juste un prix, ...


La responsabilité d'avoir laissé 
délibérément à l’abandon, 
pendant plusieurs décennies, 
les abattoirs de la ville 
dans un dessein malveillant 
d’obsolescence programmée,
en faisant le jeu des lobbies 
centralisateurs sur Bazas, 
là où on nous parle 
de protection animale 
tout en favorisant 
le stress de son transport indigne et, 
par delà, la disparition programmée 
de la filière des éleveurs, …




Toutes ces actions d’un point de vu global, convergent et participent à la perte de l’identité locale du peuple médocain qui peu à peu, obéit comme ailleurs, aux ordres de la consommation en achetant majoritairement des produits industrialisés.

Bien d’autres faits participent de cette lente déconstruction, conduite par les responsables politiques successifs qui n’ont souvent même pas conscience d’être eux mêmes instrumentalisés, puisque eux aussi poussent le jacaddy.



Retenons pour exemple:

le plaisir non contenu de ceux qui ont fait disparaitre d’un coup de pelle mécanique, 

la piscine Tournesol 
en un touché-coulé expéditif, 
sans accorder le moindre intérêt 
aux dossiers 
de réflexion patrimoniale 
et de reconversion potentielle 
qui leur avaient été soumis, 
préférant hacher menu 
et jeter dans la benne à ordures,
plutôt que d’inviter 
quelques municipalités françaises 
détentrices de cet objet 
iconique du XX°,
celles qui maintiennent encore 
l'entretien de leur piscine Tournesol, 
à venir récupérer certaines pièces                                                                                              et faire d'un geste éco responsable, un élément de communication.




La notion patrimoniale locale semble animée par des critères de sélection parfois bien antérieurs à 1905, là où maintenir, certes de façon juste et légitime, mais tout de même sous couvert d’une certaine caution morale et d’un zeste de culpabilité cultuelle, des églises désormais inoffensives, il s’agit aujourd’hui d’ouvrir comme à chaque époque, le champs des sensibilités envers le patrimoine matériel en le rendant indissociable du patrimoine immatériel.

 Dans notre époque autobagnolée, où la moindre 2CV camionnette suscitera toutes les attentions et les convoitises de ses enfants mal grandis, il s’agit de nourrir l’effort de compréhension et de perception collective à porter sur ce qui pourrait devenir utile à la construction de ceux qui ne sont pas encore nés.



En leur temps, 100% des parisiens souhaitaient que la tour Eiffel soit démolie, 140 ans après, la valeur symbolique de l’édifice fait consensus, indépendamment de savoir si c’est beau pour les uns ou laid pour les autres, avec souvent le bon gout des uns comme dégout des autres. Les valeurs patrimoniales s'anticipent toujours en résistance face aux pulsions existentielles modernistes.



La culture n’a que faire des subjectivités préférentielles d’une éphémère expression esthétique, et ne doit répondre à l’homme que lorsqu’il se demande ce qu’il fait sur terre.   


Ici comme ailleurs, les peuples se sont humiliés eux mêmes en adhérant à la dictature sourde du commerce dérégulé. La technique de lente déculturation qui prend comme cheval de Troie, l’animation synesthésique maquillée du vernis culturel, abouti immanquablement à la confusion des genres entre Culture et Animation, ce que ALV s'évertue à dénoncer depuis longtemps.



La politique culturelle est l’expression même du courage politique au présent.

Notre présent en MEDOC comme ailleurs et peut-être plus qu'ailleurs, 
passe par l’expression de l’EXCEPTION AGRI-CULTURELLE, 
vecteur d’identité, de conscience commune, de lien social, de santé publique, 
de résistance solidaire et de source d'autonomie face à la colonisation globalisée 
et ses deux armes de destruction massive, étalées sur deux siècles: 

le sucre au XIX° et le pétrole au XX°.
  


"Chaque génération se croit vouée à refaire le monde, 
la mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas, 
mais sa tâche est peut être plus grande, 
elle consiste à empêcher que le monde se défasse." 

Albert Camus / discours du prix Nobel 1957 



jpa pour ALV 









mardi 2 janvier 2018

On a le temps qu'on fait




 Le village mondial en 5 catégories sociales 

Pain quotidien, un pour Riches et un pour Pauvres avec au milieu, une fine tranche de classe moyenne de "gens bons",  tel est le triptyque de la société dans laquelle on nous demande de nous situer. Passer seulement d'une perception de 3 à 5 catégories, permettrait de décrypter plus clairement la dérive des plaques économiques allant jusqu'aux fusions par remembrement, comme dans la gestion d'un méta parcellaire foncier. 

Les pauvres sont aujourd'hui de deux catégories: Pauvres et Tavailleurs pauvres, ceux qui n'ont rien d'autre que ce que l'on veut bien leur donner et ceux qui n'ont plus l'espoir de s'élever par le fruit de leur travail. Dans ces deux cas, ceux qui n'ont rien et ceux qui n'accèdent plus à rien, finissent par avoir le sentiment commun de n'être rien.

Les riches sont aussi de deux catégories: Riches aisés et Très Riches, ceux qui vivent confortablement en prospérant ou à minima en se maintenant & ceux qui ont été propulsés par le souffle de la démesure exponentielle, créant une poignée d'individus, une centaine tout au plus, possédant plus de la moitié des richesses de la terre.

Au centre  de notre société, entre doubles riches et doubles pauvres, il y a donc ceux de la classe moyenne, ceux qu'il n'y a pas si longtemps encore, occupaient pour la plupart la position des "presque riches aisés", quand il n'y avait pas encore de travailleurs pauvres. A force de supporter la surcharge, ceux de la classe moyenne sont en passe d'être déclassés en "presque travailleurs pauvres", pendant que les riches aisés dévissent à leur tour en une nouvelle classe moyenne informe, sauf pour quelques uns accédant in extrémis au cercle de plus en plus rétréci des très très riches, qui s'enrichissent un peu plus par la défiscalisation institutionnalisée à l'échelle internationale.



La démographie mondiale galopante participe de ces accélérations du progrès, provoquant des  mouvements sociaux, culturels, migratoires, qui viennent interroger la politique internationale dans la gestion et la répartition des richesses, sauf à ce que les très riches aient déjà pu acheter le pouvoir par la puissance de l'argent, ce qui serait loin d'être une nouveauté. 

Face à ce constat, il faut donc se préparer à ce que ces phénomènes génèrent des très riches de moins en moins nombreux mais de plus en plus riches, pendant qu'il y aura de plus en plus de pauvres quant à eux de plus en plus pauvres, la classe moyenne n'étant plus qu'un sas de décompression, une salle d'attente du désenchantement.


Quelques chiffres pour la France:

37,4 Millions de foyers fiscaux dont 17,1 Millions imposables.

6500 personnes très riches (revenus mensuels à partir de 50 K€ avec un patrimoine immobilier de plusieurs millions d’€uros).
343 000 foyers assujettis à l’ISF pour 5,2 Milliards d’€uros de recettes sur les 230 Milliards de budget nécessaire au fonctionnement de l’Etat.

Quelques chiffres pour Lesparre-Médoc:

Evolution sur une décennie de la dette de la ville par habitant: 
264 € en 2007 et 1051 € en 2017 (858 € en moyenne nationale)


Dette locale multipliée par 4 en 10 ans 
pour une ville en régression chronique. 



Faute de politique de ville murement engagée, l'errance sociétale s'installe par le manque d'identité locale et creuse le déficit faute de ressort économique face aux charges fixes et à la baisse de qualité du cadre de vie.   


                  ON A LE TEMPS QU'ON FAIT 

Dans la dévaluation des classes, le Tribunal du goût de l'impensée dominante participe de l'acculturation, venant déconstruire en quelques décennies ce que d'autres ont bâti sur plusieurs siècles. Il faut donc aller vite en agissant pour que ça se voit, là où Bergson nous conseille d'agir en homme de pensée et de penser en homme d'action.

Nous vivons dans la société du spectacle où on aime changer car le changement divertit. La continuité ennuie et nécessite des efforts d'entretien partagé pour être évolutive. Pour se divertir, on jettera aujourd’hui ce que l’on adorait hier, en étant prêt demain, à aimer ce que l’on prétend détester aujourd’hui. 



La société du spectacle prolifère par la consommation et le marketing. Pour vendre il faut séduire, captiver, retenir l’attention sans effort, en proposant sans cesse des produits nouveaux et cela vaut pour la politique comme pour la culture. Afin d’être innovants et vendeurs, donc éligibles, les politiques n'ont aucun problème pour défendre une idée aujourd’hui contre laquelle ils étaient hier. 

René Girard explique que tout mythe 
sert à cacher la violence. 

Avec la nouveauté et le progrès c’est le cas. On est fasciné par la nouveauté, la modernité, parce qu'elle permet d’être violent envers le passé d’une façon civilisée. La nouveauté rend souvent aveugle des champs de perspectives que l'innovation révèle.  


À la Révolution Française, ceux qui ont voulu prendre le pouvoir et dominer le monde se sont cachés derrière le mythe de la Révolution et du changement. Ils se sont présentés comme les amis du genre humain, désireux de changer le monde pour améliorer la condition humaine. En réalité, assoiffés de pouvoir et de domination, ils ont montré leur vrai visage avec la Terreur. 

Ce qui vaut pour la Révolution, vaut pour la nouveauté et l'accélération d'un progrès moderniste qui n'a de cesse que de déconstruire le monde tel qu'il est dans l'expression de sa contemporanéité, chaque époque se devant d'être le maillon d'un continuum, au bénéfice d'une vie meilleure pour ceux qui suivront. 





L'art n'échappe pas à la règle, surtout depuis qu'il est dissocié de sa substantifique quête du sacré. Ceux qui veulent prendre le pouvoir et dominer le monde, créent jusqu'à être connus et reconnus puis se présentent comme les amis du nouveau, l'oeuvre devenant l'arme de la violence civilisée. L’art devient alors de plus en plus provoquant, de plus en plus destructeur, de plus en plus déconstruit, au point de vider l’art de l’art lui-même, de sa fonction de transmission comme témoin sur le temps long. Bien sûr, tout cela se fait au nom de la création et de la nouveauté en imposant par la doxa, la géniâââlitude pour tout le monde. 



Idem pour le progrès. Pour prendre le pouvoir, on annonce le progrès et pour justifier le progrès, on invente un concept commode : celui de destruction créatrice, concept forgé par Schumpeter. Le progrès permet comme le nouveau, la violence civilisée, car il est impossible d'être contre, sous peine d'être taxé de régression et d’archaïsme. On se tait, on subit, la violence civilisée le sait et elle en use en fabriquant un monde de faux blasés, les àquabonnistes, fatigués par le bruit des propagandes, nous remisant à l'écart du merveilleux qui animait notamment la capacité d'abstraction au Médiéval



Pour être blasé, encore faut-il avoir un certain sens de l’ennui, pour que l'absolu délivré du sujet puisse accéder aux conclusions que la logique ne peut atteindre. 

Le monde ballotté par le nouveau dans l'accélération du progrès ne peut donc pas être blasé, il est juste hagard en ne comprenant plus ce qu’il vit, peut-être parce qu'il n'est plus nourri.



Dans quelques temps, 
quand les esprits contraires seront atones, 
le Médoc Mémoire du Monde 
offrira comme une rareté ce qui a toujours été.

On viendra en fin de terres, 
assister entre autre à de grands concerts de Mahon, 
où la justesse du bruit blanc, 
 régénère les sens et grandi l’âme des vivants … 

écoute, écoute … 
dans le silence de la mer … 
il y a comme un balancement … 
qui met le coeur à l’heure ...


jpa pour ALV