La pensée désenchantée s’accorde souvent et à quelqu’échelle que ce soit, autour du constat d'un monde tenté par l’expérience du chaos, comme s’il lui fallait passer par l'épreuve révolutionnaire pour se réinventer au prix fort.
Il ne s’agit là que des conséquences d’un trop long refoulement collectif, accompagnant le manque de courage politique de la part des instances dirigeantes des dernières décennies, participant à l’accélération aveugle d’une économie bodybuldée par le "tout tout de suite" et la dictature du pas cher. On n'est jamais assez riche pour acheter pas cher.
Il nous reste aujourd’hui les ruines de l'héritage de la noblesse du monde et des territoires perdus de la république, déconstruits par le libéralisme culturel.
Si l'on reste à l’échelle de la ville de Lesparre-Médoc qui nous lie, nous pouvons remarquer quelques épisodes marquants qui affirment bien la politique moderniste et déconstructiviste menée, qui aura forcément une résonance dans le destin de la ville et dont les décideurs devront entre autres endosser :
la responsabilité d'avoir reconverti,
l’ancien Palais de Justice,
seul bâtiment d’autorité symbolique
républicaine du Médoc,
en centre d’animation faute d’avoir pu recruter
un dirigeant pour un centre culturel potentiel ...
adresser de fait un message liberticide,
depuis la voix de la justice locale
mutée en voix de comédie ...
limiter l'hypothèse culturelle du CALM
à un espace ostentatoire,
inapproprié et répulsif pour la jeunesse,
comme si l'écho d'une sentence
pouvait encore se faire entendre ...
s'amuser d'un acronyme
sursignifiant la somnolence installée,
en dévaluant un bâtiment répertorié et
potentiellement classable
au répertoire des monuments historiques,
rare édifice architectural dont la ville dispose
en majesté capable de transmettre
transgénérationnellement,
les valeurs fondamentales et
républicaines du maintien de notre société, …
La.responsabilité d'avoir installé
Brice de Nice à la place de Molière,
dans l'étrange chassé-croisé
des mots qui, la nuit,
traversent la rue sans regarder,
pour prendre leurs retraites,
comme ce Palais de Justice
dépourvu de robe et d'Hermine,
allant en face se rhabiller
en Palais du Costume,
pendant que Molière
en mal d'imaginaire,
quitte 24 images secondes
pour venir se reposer au CALM,
donner son nom en salle d'audience
et psalmodier Tartuffe en boucle à qui voudra bien l'entendre dans un peu d'épaisseur culturelle...
L'ancien Tribunal sera ambitionné en Centre Culturel
pour être finalement Calmé en Centre d'animation
La responsabilité de n’avoir pris
aucune décision pour le maintien
de l’équilibre fonctionnel essentiel
du coeur de ville et
de sa rue principale commerçante,
atomisée comme ailleurs
par une trop grande distribution,
en L ou C majuscule qui,
au lieu de nous vendre
un produit au prix juste,
nous vend juste un prix, ...
La responsabilité d'avoir laissé
délibérément à l’abandon,
pendant plusieurs décennies,
les abattoirs de la ville
dans un dessein malveillant
d’obsolescence programmée,
en faisant le jeu des lobbies
centralisateurs sur Bazas,
là où on nous parle
de protection animale
tout en favorisant
le stress de son transport indigne et,
par delà, la disparition programmée
de la filière des éleveurs, …
Toutes ces actions d’un point de vu global, convergent et participent à la perte de l’identité locale du peuple médocain qui peu à peu, obéit comme ailleurs, aux ordres de la consommation en achetant majoritairement des produits industrialisés.
Bien d’autres faits participent de cette lente déconstruction, conduite par les responsables politiques successifs qui n’ont souvent même pas conscience d’être eux mêmes instrumentalisés, puisque eux aussi poussent le jacaddy.
Retenons pour exemple:
le plaisir non contenu de ceux qui ont fait disparaitre d’un coup de pelle mécanique,
la piscine Tournesol
en un touché-coulé expéditif,
sans accorder le moindre intérêt
aux dossiers
de réflexion patrimoniale
et de reconversion potentielle
qui leur avaient été soumis,
préférant hacher menu
et jeter dans la benne à ordures,
plutôt que d’inviter
quelques municipalités françaises
détentrices de cet objet
iconique du XX°,
celles qui maintiennent encore
l'entretien de leur piscine Tournesol,
à venir récupérer certaines pièces et faire d'un geste éco responsable, un élément de communication.
La notion patrimoniale locale semble animée par des critères de sélection parfois bien antérieurs à 1905, là où maintenir, certes de façon juste et légitime, mais tout de même sous couvert d’une certaine caution morale et d’un zeste de culpabilité cultuelle, des églises désormais inoffensives, il s’agit aujourd’hui d’ouvrir comme à chaque époque, le champs des sensibilités envers le patrimoine matériel en le rendant indissociable du patrimoine immatériel.
Dans notre époque autobagnolée, où la moindre 2CV camionnette suscitera toutes les attentions et les convoitises de ses enfants mal grandis, il s’agit de nourrir l’effort de compréhension et de perception collective à porter sur ce qui pourrait devenir utile à la construction de ceux qui ne sont pas encore nés.
En leur temps, 100% des parisiens souhaitaient que la tour Eiffel soit démolie, 140 ans après, la valeur symbolique de l’édifice fait consensus, indépendamment de savoir si c’est beau pour les uns ou laid pour les autres, avec souvent le bon gout des uns comme dégout des autres. Les valeurs patrimoniales s'anticipent toujours en résistance face aux pulsions existentielles modernistes.
La culture n’a que faire des subjectivités préférentielles d’une éphémère expression esthétique, et ne doit répondre à l’homme que lorsqu’il se demande ce qu’il fait sur terre.
Ici comme ailleurs, les peuples se sont humiliés eux mêmes en adhérant à la dictature sourde du commerce dérégulé. La technique de lente déculturation qui prend comme cheval de Troie, l’animation synesthésique maquillée du vernis culturel, abouti immanquablement à la confusion des genres entre Culture et Animation, ce que ALV s'évertue à dénoncer depuis longtemps.
La politique culturelle est l’expression même du courage politique au présent.
Notre présent en MEDOC comme ailleurs et peut-être plus qu'ailleurs,
passe par l’expression de l’EXCEPTION AGRI-CULTURELLE,
vecteur d’identité, de conscience commune, de lien social, de santé publique,
de résistance solidaire et de source d'autonomie face à la colonisation globalisée
et ses deux armes de destruction massive, étalées sur deux siècles:
le sucre au XIX° et le pétrole au XX°.
"Chaque génération se croit vouée à refaire le monde,
la mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas,
mais sa tâche est peut être plus grande,
elle consiste à empêcher que le monde se défasse."
Albert Camus / discours du prix Nobel 1957
jpa pour ALV