samedi 21 septembre 2019

Reconnaissance du monde paysan = Identité des territoires

La déconnexion entre ville et campagne est une menace de carence culturelle pour nos sociétés en transition. Les valeurs du monde paysan ne font plus partie ni des valeurs de ceux qui aimeraient revenir à la campagne, ni même parfois de ceux qui y vivent. 

La société toute entière perçoit encore le monde agricole mais ne reconnait pas le monde paysan dans son ensemble, paysans de la terre et paysans de l'eau, comme patrimoine commun d'utilité publique.

Aujourd'hui le monde paysan est perçu plus par les encadrements liées au secteur de l'agriculture, transmetteur malgré tout d'essentialité, pour notre rapport conscient à notre alimentation et nos relations organisées dans son partage.
  
Les urbains, 95 % de la population française, entretiennent une image de l'agriculture soit nostalgique, soit passéiste, sans rien connaître ou presque de la technicité et du professionnalisme du monde agricole d'aujourd’hui, de l’ampleur des normes sanitaires, des obligations légales, des contrôles répétés, du nécessaire respect du droit du travail, des cahiers des charges draconiens des acheteurs… Aujourd’hui, pour avoir une exploitation agricole, il faut être bon dans tous les domaines. Mais pour l’opinion publique, l'agriculteur est un paysan, plus ou moins cul terreux, associé à la pénibilité, aux durs travaux physiques pour de maigres revenus et suspect quand il gagne sa vie. 

Tout le monde s’autorise à donner des leçons d'écologie aux paysans, ce qu’on ne ferait pas dans l’automobile, l’énergie ou l’architecture par exemple.

Il y a aujourd'hui une rupture entre la vie des citadins et la vie réelle des agriculteurs. Les citadins ne savent plus réellement ce qu'est la campagne sauf à décider de quitter la ville pour y vivre, en emmenant dans leurs valises de certitudes, leur mode de vie de citadins à placarder dans ce décor si exotique.

Au début du 19ème siècle, l'activité agricole occupait la moitié de la population française, aujourd'hui il n'y a plus qu'un million d'actifs rattachés à 450 000 exploitations en France, soit moins de 2% de la population. Jusqu'à 1932, la moitié de la population habitait encore à la campagne quand aujourd'hui, 80% des Français vivent en espace urbain.

Pendant des années, on a véhiculé une forme d'idéal de la campagne, un peu dans le genre "Martine à la ferme" et lorsque la révolution silencieuse des années 60 a eu lieu dans le domaine agricole, elle n'a pas été perçue par la population continuant à entretenir l'image des petites exploitations avec quelques vaches, sans conscience de l'évolution technique. 

En amont, dans le secteur de fournitures des intrants, des machines, de la construction, comme en aval, dans celui de la transformation et de la distribution, on estime que l’agriculture et l’agro-alimentaire concernent 14 % de la population active, ce qui fait de ce secteur le premier employeur privé de France, avec l’artisanat, le tout généralement cloisonné, par régions et par filières. 

Les viticulteurs bordelais ne connaissent pas les éleveurs de porcs bretons et bien qu'ils soient liés par leurs évolutions sociétales et environnementales, la stigmatisation existe même au sein du monde agricole. Hors de leur domaine de compétence, les agriculteurs véhiculent les idées reçues transmises par les médias, tout comme les élites urbaines éduquées, en quête de critères de distinction, qui s'inventent une conscience vertueuse bio, locavore, sans pesticides, ... sans connaître les conséquences économiques et sanitaires de leurs postures. 

Rien ne nous immunise des retours de pénuries, contaminations, nourriture chère de par la dépendance alimentaire de la France face aux nombreux risques sanitaires graves, comme les mycotoxines, ignorés des citadins bannissant le moindre traitement sans même savoir de quoi il nous protège.

Beaucoup de jeunes appelés NIMA (non issus du monde agricole) sont fascinés par le retour à la terre, synonyme de nature et de liberté. Les jeunes agriculteurs sont plus diplômés et sont attirés par "l'agriculture Autrement" et par la pluriactivité. Il y a un renouvellement profond de la profession, d’autant plus indispensable que la moitié des agriculteurs partira à la retraite dans les dix ans.

La déconnexion actuelle entre les citadins et les paysans pourrait donc s’inverser à terme, indépendamment des néoruraux, voulant vivre à la campagne parce qu’ils la trouvent belle grâce au travail des agriculteurs mais leur pourrissent la vie à peine installés, à cause du bruit, des mouches, du chant du coq, des crottins ou des bouses sur les routes, des tracteurs et des traitements, toujours perçus comme illégitimes. 

Les tensions sont innombrables dans le périurbain. Les zones de non-traitement risquent de multiplier les broussailles, les friches et le découragement, et de servir de sanctuaires aux bioagresseurs des cultures. 

Les PLU doivent lutter contre le mitage en cessant l’installation des maisons d'habitation au milieu des champs pour que les agriculteurs puissent travailler sereinement et que les bourgs soient habités.

Les agriculteurs sont les héritiers de la connaissance du monde paysan en perpétuelle évolution et semblent profiter d'une image valorisée renouant aujourd'hui le dialogue avec le reste de la population comme par exemple à chaque salon de l'agriculture. 

L'identité même de chaque territoire dépend de ce qui est produit là plus qu'ailleurs, en qualité et savoir-faire reconnus de tous, donnant lieu à la célébration festive, porteuse de sens et de lien social, la culture locale, de par son identité à visage découvert, n'ayant alors pas besoin du masque de la mentalité pour exister.



En Médoc comme ailleurs, 
et peut-être plus qu'ailleurs, 
le monde paysan doit être reconnu 
par son activité d’intérêt général,
comme source patrimoniale Agri-Culturelle, 
afin d'être reconnue en priorité 
comme premiers défenseurs d’une nature 
sculptée par la main de l'homme, 
apprivoisée et nourricière.

    Jean-Pierre Alcouffe pour Autrement La Ville

dimanche 8 septembre 2019

Rentrée 2019

Quand on fait attention 
à l'avenir de ses enfants, de ses étudiants, 
on collabore à la construction de leur monde 
et par conséquent, ce n'est pas un optimisme béat mais 
c'est essayer de construire un monde meilleur. 
Michel Serres


Ce début septembre avec le retour en classe pour 12 millions d'élèves, est marqué par la réforme du lycée, avec les problèmes fondamentaux que l'école connait aujourd'hui. Le temps scolaire ne se cale pas sur le temps politique d'un quinquennat mais vient impacter son époque sur une génération, sur une vingtaine d'année. Les ministres se succèdent, auditent et prennent des décisions en vu de résultats immédiats, à échelle d'un quinquennat qui les voit arriver en poste qu'ils n'occuperont probablement pas jusqu'au bout.

Instruire ou éduquer ou les deux ? Les réponses à apporter à cette question d'essentialité ouvrent probablement jusqu'à la compréhension de la chute de nos institutions dans les classements internationaux.

Avant c'était bien ? là n'est certainement pas la question, car elle n'a pas lieu d'être. C'était bien pour qui, pourquoi, dans quelle réalité ? Il ne s'agit pas en l'occurence d'avoir un jugement sur l'école, mais de s'interroger sur le rapport entre cet outil essentiel de l'équilibre de la société et l'époque. Il y encore un demi siècle, les institutions fonctionnaient avec un tronc commun d'autorité symbolique, par lequel l'école entre autres était sanctuarisée, ce qui donnait également libre court aux excès d'autoritarisme de certains sur les élèves. 

Les mouvements sociétaux des années soixante ont déverrouillé des systèmes qui n'étaient plus en phase avec leur temps et c'est bien sur ce plan là qu'il faut exercer nos capacités d'analyse. 

Aujourd'hui, l'école est-elle en phase avec son époque, celle qui se doit comme pour toute époque, de tout faire pour que le monde de demain matin se construise, avec l'autonomie d'agir de ceux dont nous aurons eu un temps la charge. Cette autonomie des êtres pour une vie meilleure, passe forcement par l'esprit solidaire et par conséquent par l'éducation, accès aux codes communs par la gestion de ses émotions, avec autant que possible, l'accès à la connaissance. 
         
Les enfants des élites s'élèvent entre eux à l'école classique et plutôt à l'ancienne, en opposition aux enfants des classes populaires. Ce premier clivage prépare le monde croissant à deux vitesses des inégalités sociales voulues par certains et illisibles par d'autres. La déconstruction d'une société qui penserait que l'effort est une douleur, une injustice, que le radis ça pique et que nutella c'est plus doux et pas cher quand on n'a plus un radis, pendant que l'école  de certains va jusqu'à éradiquer tout support numérique comme pour les enfants des GAFAM par exemple, génère des élèves qui se préparent au pouvoir de créer de la pensée commune, au détriment des transmissions des savoirs et des savoirs faire. 

L'école désanctuarisée, comme d'autres institutions, tutrices de notre modèle de société, s'est peu à peu retrouvée en prise directe et sans filtre avec les maux de notre société. A la fois par volonté et manque de courage politique, l'asymétrie entre professeur et élève, participe des pertes structurelles comme pour les élus, gendarmes, juges ou médecins. L'école ne recule probablement pas, simplement elle produit de moins en moins son effet d'autonomisation de la pensée. A l'âge où il n'y a pas si longtemps, les élèves savaient lire et écrire, aujourd'hui ils envoient un émoticône par sms, accèdent au codes couleurs des poubelles et lorsqu'il s'agit de jeter le plastique, ils sont capables de contrôler leurs parents dans le cadre éco-doxatique de dame nature. 

La grande culture universitaire en est peut-être la cause. Les mathématiciens avec les maths modernes, les linguistes avec la dévalorisation de la grammaire, les historiens avec le renoncement à la chronologie, les géographes mutants en sociologues, les musiciens en gestionnaires de bruits, ... cela fait parti de la quête évolutive et bien légitime de l'expérimentation de la connaissance. Mais aujourd'hui, c'est le pédagogisme qui devient l'idiot utile au nom des sciences, de la destruction lente de l'école, renforce les inégalités avec les enfants qui ne trouveront plus à l'école ce que d'autres trouvent chez eux. 

A ce rythme là, certains n'auront plus besoin d'aller à l'école, la transition numérique servira bientôt les outils du savoir à domicile d'un monde Wikipédiamazonisé pendant que l'école sera un service de gardiennage pour mals comprenants, au lieu de relever le défit d'accompagner chacun vers le plus haut niveau d'instruction qu'il est en capacité d'atteindre.

Faire des citoyens à sa main idéologique ou faire des citoyens instruits ? là est la question pour l'appareil scolaire.

Trop de verticalité conduit à la révolte guerrière des uns contre les autres et installe alors trop d'horizontalité qui génère le chaos de la guerre de tous contre tous. 

L'équilibre résiderait-il donc dans la forme incertaine d'un entre deux, voire d'une sorte de "et en même temps"qui semble avoir fait son temps, en tant que slogan du couteau suisse et auquel on pourrait lui préférer l'énergie du mouvement en transversalité interdisciplinaire, génératrice d'expérience, d'autonomisation et d'éveil.

La désintégration de la gauche et la sclérose de la droite ont participé à la perte de la quête du sens de notre communauté humaine de destin. (citation d'après Edgard Morin)  


Depuis 2017,

Autrement la Ville 
soutient auprès des plus hautes instances, 
la pertinence de créer à Lesparre-Médoc,
un Centre de Formation Universitaire innovant, 
dans la dynamique de valorisation 
Agri-Culturelle 
à laquelle la ville et son territoire se doivent d'accéder, 
fort du récent classement du MEDOC,
en Parc Naturel de Région. 
   

JPA pour ALV