A Lesparre-Médoc comme ailleurs, la citoyenneté semble être en instance de divorce avec la démocratie.
Une étude menée par des chercheurs de l'Université de Cambridge, annoncent 58% de la population mondiale insatisfaite et déçue par la démocratie, avec la montée des populismes et la hausse de la violence comme symptômes.
Au-delà de nos disputes franco-françaises, le malaise démocratique exprime la coupure peuple / élites dans un sentiment de mauvaise représentation qui dépasse largement le cadre de nos frontières. Les causes en sont structurelles et globales et les solutions ne peuvent se résumer à un procès expédié de la Ve République et de son fonctionnement.
Les italiens ou les anglais n’ont pas un Président aussi omnipotent que le nôtre et pourtant, la défiance envers la politique et les élus y est tout autant présente. Les causes profondes du malaise sont à distinguer des symptômes de la maladie.
Les symptômes : désengagement avec la chute constante du nombre de militants des partis politiques confinés à la marginalité, abstention lors des scrutins, à l’exception de la présidentielle qui résiste encore, rejet des idéologies considérées comme de simples méthodes de communication opportunistes et dépourvues de sincérité, radicalisation des méthodes de contestation politique et sociale hors cadre des institutions (syndicats, parlement, partis, urnes...), envahissement de la rue sans médiation... symptômes à ne pas confondre avec la maladie, sauf à prendre le risque d’y apporter de mauvaises réponses.
Partout, le système même ne joue plus son rôle et ne semble plus offrir le choix entre différentes options, différentes idées du commun et de l’avenir, différents projets de société. Il tourne à vide, en excluant certaines idées comme « populistes » ou « irréalistes », au profit d’une idéologie dominante, qui prétend épouser globalement le cours des choses. L’heure post politique, qui fait de la gestion d’une économie omnipotente et dégagée des contingences humaines, sonne la fin des institutions, jugées inopérantes.
Le débat politique se déploie à l’intérieur d’un carcan réduit à "plus ou moins d’impôts", "plus ou moins de sécurité", pour un résultat donnant le sentiment d'un choix artificiel. Voter n’engage plus de choix de société et l’élite devient hermétique aux aspirations majoritaires.
La confusion habilement entretenue entre les tenants du pouvoir et les institutions, amène les peuples à contester les premiers en attaquant les secondes. Tout part de cette confusion croissante entre ce qui devrait relever du débat, et ce qui devrait relever des outils permettant ce débat avec trois séries de raisons:
1/ la perte de confiance des citoyens quand ils constatent que les élus ne respectent pas leurs engagements ou les détournent à travers alliances de second tour, marchandages d’après élections à la proportionnelle, pactes d’opportunité.
2/ la déception des citoyens quand ils voient l’impuissance des Etats face au lobbying, notamment des ONG, face aux organisations internationales ou supra-nationales, aux tribunaux internationaux, aux chartes et engagements internationaux pris...
3/ l'incompréhension des citoyens appelés à donner leur avis et à faire leurs choix, auxquels on oppose aussitôt la complexité des situations, les contraintes financières, la mondialisation, les droits de douane, les accords passés, etc., reléguant la démocratie en seul prétexte à captation de pouvoir, par les castes et les bureaucraties locales, nationales, internationales et multinationales.
La défiance repose sur des ressorts différents selon les cultures mais aboutit au même rejet. En France notre imaginaire collectif a été façonné par la Révolution et les luttes sociales violentes et violemment réprimées, mais, si l’on continue d’opposer l’outrance à l’outrance, alors nous ne ferons qu’alimenter une mécanique de haine, là où il nous faut reconstruire éternellement l’unité.
Le progrès n'étant pas le problème mais son accélération réduisant la perspective à l’immédiateté, notre société se réduit peu à peu à la civilisation du poisson rouge, qui n’a plus de mémoire et peu de vision.
Chaque coup d’éclat vient balayer le précédent en les intégrant à la consommation événementielle d'une forme de communisme des affects simultanés. Tout pouvoir trouve son intérêt à confondre la contestation dont il fait l’objet avec la contestation des institutions et des règles du jeu démocratique elles-mêmes...
Si l’on veut bien, distinguer ce qui relève du structurel ou du conjoncturel, ce qui tient à la nature humaine, aux tensions éternelles entre individu et collectif, entre verticalité et horizontalité, doit par principe distinguer les symptômes de la maladie, en se référant à l’histoire et aux crises de représentation et crises du pouvoir dont elle regorge. Toutes les formes de pouvoir ont été contestées à des périodes de mutation culturelle et de pression populaire.
La guerre des religions que l’Europe a connue après la Révolution luthérienne, a finit par accoucher de sociétés pluralistes... Plus près de nous, l’histoire constitutionnelle française de ces 2 derniers siècles, montre l'instabilité considérable et des mutations permanentes. La fin d’un système institutionnel n’est pas la fin de l’histoire politique, c’est simplement une étape qui emboite le pas des transitions en cours.
Le Président du Sénat, Gérard Larcher s'est récemment inquiété à juste titre, de la relégation et de la dévitalisation des territoires. Cette réalité est parfaitement expliquée par la rupture des solidarités entre les métropoles et le monde rural, documentée par bon nombre de sociologues et de géographes. Gérard Larcher s’est aussi inquiété de la recentralisation à l’œuvre depuis une dizaine d’années dans notre pays. Au nom de ce qu’il perçoit dans le pays, il plaide pour rapprocher le pouvoir du peuple, parfaitement exprimé dans tous les mouvements récents. Le rejet actuel des élites politiques n’est probablement pas synonyme de rejet démocratique, mais pour les Gilets jaunes comme pour d’autres, c'est le rejet de ce qui est perçu comme une confiscation de la démocratie par l’élite.
Si seulement 10% des Français font encore confiance aux Partis politiques, il faut peut-être y voir la déconstruction annoncée de l’Union européenne.
On a vendu aux peuples un idéal d'union européenne qui se solde en une Europe fractionnée en trois blocs de culture chrétienne:
1/ le Nord luthérien, civique et organisé, prospère et regardant vers le grand Ouest,
2/ l’Est orthodoxe, toujours profondément marqué par 20 ans de crises nationales et socialistes, puis plus de 60 ans de totalitarisme soviétique,
3/ les pays du sud catholique, dont la France, incapables de gérer leur dette, leur Etat-providence, et surtout leur propre politique nationale conditionnée par le rapport au monde méditerranéen et au Grand sud.
Une Europe sans puissance militaire, sans unité diplomatique, sans projet d’avenir, tremblante face aux diktats douaniers de Trump, n’existe qu’à travers les directives bureaucratiques de l'Europe de Bruxelles encore plus affaiblie par le départ des Anglais.
L'Europe n'est pas une plaque tectonique inerte mais un kaléidoscope culturel complexe des peuples Euro-paysans qui la constituent. Encore faudrait-il avoir de la considération pour ces notions qu'un remaillage territorial pourrait remettre en valeur, en apportant l'apaisement et en dynamisant l'économie locale profitant à chaque territoire.
Oublier de reconnaitre la singularité des peuples, c'est les contraindre au replis sur eux-mêmes.
Refonder la démocratie, refonder les partis qui structurent les débats est forcément une nécessité. En démocratie, le représentant représente les représentés et il n’est pas l’avant garde éclairée du peuple qui ferait le bonheur du peuple malgré le peuple et ce que nous vivons, à quelque échelle que ce soit, locale ou globale, est une crise de la représentation face à l'augmentation démographique.
Cela oblige à repenser la place des citoyens dans les architectures institutionnelles, ce qui n’est pas pour autant suffisant. Droite / gauche, les citoyens ont vécu très rapidement l’effacement des alternatives politiques par les mots qui ont été dévalués, à mesure que la politique reculait et que le rôle de l’Etat de droit consistant à tisser les liens s’est délité.
La post politique s'installe avec l’effondrement climatique et environnemental qui oblige à repenser nombre de nos institutions cardinales régissant la propriété et le commun, avec notre modèle économique qui se heurte à la vision millénariste de la finitude du monde et au changement de paradigme avec l'enterrement du contrat social.
Le populisme a la part belle un peu partout et le pourrissement pandémique des démocraties européennes pourrait se poursuivre notamment sous les regards intéressés des Trump et Poutine, voire de leurs successeurs.
La lecture à l'échelle des grandes puissances permet d'entendre le bruit du monde, dont l'écho pourrait inspirer les territoires de proximité, dont le salut dépend de leur autonomie alimentaire et énergétique, faute de se voir aspirés dans l'aquabonisme consumériste généralisé.
En Médoc plus qu'ailleurs, l'expérience est possible et le défit est relevable, encore faut-il que la conscience de politique locale soit entretenue et nourrie.
En Médoc, en France comme en Europe, nous sommes tous interdépendants des liens que nous tissons depuis nos identités respectives, chevilles ouvrières d'une Europe forte sur la scène internationale, bâtie par l'assemblage des identités culturelles des peuples Euro-Paysans.
ICI COM'AILLEURS, très prochainement, nous allons devoir réfléchir au choix que nous allons devoir faire pour le devenir de notre ville de Lesparre-Médoc, particulièrement liée à son territoire, puis nous aurons à nous exprimer en nombre pour maintenir les principes démocratiques, afin que nous puissions en assumer le résultat, quel qu’il soit et sans regrets inutiles.
Jean-Pierre Alcouffe pour Autrement La Ville