samedi 14 décembre 2019

Les tournesols de Gironde

4, 3, 2, 1 ? 

Les piscines Tournesol de la Gironde


Quel est le lien entre les Jeux olympiques d'été de 1968 à Mexico 
et les communes girondines de 
Braud-et-Saint-Louis, Cestas, Lesparre-Médoc et Saint-Médard-en-Jalles ?
 Indice : cela concerne la natation. 

Réponse : les étonnantes piscines Tournesol !

Les piscines Tournesol de Braud-et-Saint-Louis (haut) 
et Cestas (bas)


Au départ il y avait donc la prestation décevante de l'équipe française de natation aux JO de 1968. Par conséquent, le secrétariat d'État chargé de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs lança, l'année suivante, un véritable plan d'action national. Baptisé "1000 piscines", le programme servit de cadre et de structure de soutien pour la construction de piscines à un prix abordable, avec pour objectif une plus grande accessibilité à l'apprentissage de la nage.

Au final, la France fut loin du chiffre symbolique des mille piscines, mais le plan facilita quand même  la construction de 600 à 700 structures municipales. Différents modèles de piscines furent proposés aux noms poétiques comme Plein-Ciel, Plein-Soleil, mais les véritables lauréats de cette campagne furent Caneton et, bien sûr, Tournesol. Ce dernier devint le modèle emblématique de cette stratégie des 1000 piscines et, au cours des années 1970 et du début des années 1980, 183 piscines Tournesol furent ainsi construites à travers la France.

Plans d'une piscine Tournesol, source : http://www.archi-wiki.org (contributeur : Lionel Grandadam).


Le curieux design futuriste fut conçu par l'architecte Bernard Schoeller, en collaboration avec l'ingénieur Thémis Constantinidi pour la structure, et avec la société Matra pour le choix des matériaux. Le principe de base fut l'utilisation d'éléments préfabriqués, allant jusqu'aux systèmes de filtration ou de chauffage, les vestiaires et même les toilettes.

La structure circulaire dessinée par Shoeller et Constantinidis était d'un diamètre de 35 mètres, représentant une surface de 1 000 mètres carrés au cœur de laquelle était positionné un bassin de 25 mètres de long. L'ossature de la coupole, haute de six mètres, était formée par 36 arcs métalliques. Entre chaque arc se trouvait un panneau en polyester rigide, dont un sur deux comprenait sept hublots. Plus particulièrement, deux grands segments étaient mobiles et dotés d'un système de rail permettant de les déplacer sur un rayon de 60°. Et voilà la singularité d'une piscine Tournesol : la capacité de se transformer de façon quasi-instantanée de piscine couverte en piscine extérieure (sur 120°) en sachant que, dans la plupart des cas, une zone jardin permettaient aux baigneurs de se prélasser au soleil entre deux plongeons.

Gros plan sur le système de rail /  transition entre piscine couverte et piscine extérieure. 
Photos prises à Cestas.


Suite à l'installation d'un prototype en 1972 à Nangis, à l'est de Paris, un premier modèle de série fut inauguré à Roissy-en-Brie la même année. Ces deux précurseurs n'existent plus aujourd'hui. Ce qui nous amène à la Gironde et ses quatre piscines Tournesol. Trois furent érigées en 1975 à Cestas, à Lesparre-Médoc et à Braud-et-Saint-Louis. La piscine de Saint-Médard-en-Jalles suivit en 1981. Les Tournesol girondines étaient de couleurs différentes : la coupole de Cestas était jaune, celles de Braud-et-Saint-Louis et de Saint-Médard étaient bleues ciel, alors que la piscine de Lesparre était rouge ocre. Que devinrent-elles ? 


Commençons par la piscine de Cestas, qui se porte merveilleusement bien. Elle se situe sur une grande plaine de sports près de l'autoroute A63, donc les nageurs se mélangent facilement aux footballeurs, rugbymen et joueurs de tennis. Si vous souhaitez tester l'installation, le ticket d'entrée n'est que d'1,60€. Le bassin de Braud-et-Saint-Louis est tout aussi opérationnel, mais de nombreuses discussions sont en cours pour que la piscine actuelle soit remplacée par un "centre aquatique" comprenant petits bassins, toboggans, etc. 


Du côté de Braud-et-Saint-Louis dont l'accueil (en haut à gauche),
les vestiaires préfabriquées (en haut à droite)
et, en bas à droite, douches et pédiluve
depuis l'extérieur face à la jonction entre les deux panneaux mobiles.
Si ce scénario se confirmait, ce serait la même situation qu'à Saint-Médard-en-Jalles où, en 2007 après 26 ans d'existence, le lieu fut transformé en espace aquatique. Le nouveau site garda néanmoins le bassin de 25 mètres de son prédécesseur.

Saint-Médard : hier (source : l'ouvrage Saint-Médard-en-Jalles, au fil du temps) et aujourd'hui.
Terminons du côté de Lesparre, où l'air est encore imprégné de particules de polyester suite à la récente démolition de la piscine, considérée jusqu'alors comme une verrue à l'entrée de cette ville médocaine. L'activité de la piscine cessa en juin 2014, bien que le projet d'origine était de la moderniser. C'est avant l'été 2016 que vint l'annonce de la destruction de l'enceinte, et cette mission, qui coûta 70 000 euros à la commune, fut exécutée en août et septembre. Sur place j'ai pu constater qu'il ne reste aucune trace de la piscine, hormis un petit local technique, et la zone est entièrement recouverte de sable. Là-aussi, un projet de centre aquatique inter-communal qui peine tant à prendre forme. 


Lesparre : en haut à droite, l'ancienne piscine (source : www.pss-archi.eu) ; 

photo principale, les travaux de démolition en cours (source : www.sudouest.fr) ; 
en bas à droite, le même point de vue aujourd'hui. 




Si vous avez lu attentivement jusque là, vous aurez compris qu'il ne reste que deux des quatre piscines Tournesol girondines, et l'une d'elles est menacée. C'est bien dommage, même s'il est évident que ces piscines rudimentaires ne semblent plus être de notre temps. Mais ce n'est pas le cas partout ailleurs : loin d'être considérées comme des verrues, de nombreuses piscines Tournesol ont été soigneusement entretenues et sont même labellisés "Patrimoine du XXe siècle". C'est notamment le cas d'une piscine à Marseille, une autre à Carros-le-Neuf, près de Nice, ou encore à Biscarrosse dans le département voisin des Landes. De plus, de nombreux Français restent très attachés à ces OVNI de l'Hexagone, comme le démontrent l'excellent site Architectures de Cartes Postales et le compte Instagram @laffairetournesol.

La piscine de Cestas (Gironde) vue d’en haut le 3 juillet 1987.
 © Crédit photo : Olivar Vincent

Mais la vraie question est : les Français sont-ils devenus plus doués en natation ? Quelques recherches permettent de voir que, suite à l'échec de 1968 il a fallu attendre 1984 et la médaille d'argent remportée par Frédéric Delcourt (200 mètres dos) ainsi que la médaille de bronze de Catherine Poirot (100 mètres brasse). Puis après de nouvelles années difficiles c'est Laure Manaudou qui remporta l'or en 2004 (400 mètres nage libre) suivie quatre ans plus tard par Alain Bernard (or 100 mètres nage libre). Ensuite, c'était au tour de Camille Muffat (or 400 mètres nage libre, 2012), l'équipe relais 4 x 100 mètres (or 2012), Yannick Agnel (or 200 mètres nage libre, 2012) et Florent Manaudou (or 50 mètres nage libre, 2012). Plutôt une belle réussite indirecte pour le plan d'action "1000 piscines", non ?...


  • Localiser sur la carte Invisible Bordeaux :

    • Piscine Tournesol Cestas : 
    • Chemin de Canéjan, Cestas

    • Piscine Tournesol Braud-et-Saint-Louis : 
    • 51 avenue de la République, Braud-et-Saint-Louis

    • Ex Piscine Tournesol Lesparre-Médoc : 
    • 3 avenue du Docteur Benaben, Lesparre-Médoc

    • Ex Piscine Tournesol St Médard : 
    • 116 avenue Anatole-France, Saint-Médard-en-Jalles